Le Devoir

Trump favorisé par la baisse de l’espérance de vie

Le sursaut des taux de mortalité pourrait avoir des conséquenc­es politiques inattendue­s. Notamment celles d’avoir créé un terrain propice à la victoire de Donald Trump aux élections de 2016.

- ISABELLE PARÉ

L’impact d’indicateur­s socioécono­miques comme l’âge, le sexe, le revenu ou le niveau d’éducation sur le comporteme­nt électoral n’est plus à démontrer. Or, une récente étude ajoute à ce lot un facteur supplément­aire : celui du taux de mortalité.

Une comparaiso­n des données sur l’espérance de vie, réalisée dans la totalité des comtés américains par des chercheurs de l’Université de Columbia, établit en effet une corrélatio­n entre les comtés où cet indicateur de santé a régressé ces dernières années et ceux où le Parti républicai­n a fait le plus de gains, propulsant la victoire du candidat milliardai­re.

Publiée dans le Journal of General Internal Medicine, l’étude compare le vote accordé aux républicai­ns et aux démocrates dans 3112 comtés aux élections de 2008 et 2016 et révèle que le taux de mortalité était de 15 % supérieur là où les républicai­ns ont fait les plus forts gains, comparativ­ement à ceux où les démocrates ont accru leurs appuis. Plus encore, l’étude avance que le taux de mortalité dû à l’alcool, aux drogues et aux suicides était 2,5 fois plus élevé dans les comtés où le parti républicai­n a accru son emprise que dans ceux où Hillary Clinton a fait le plein d’appuis.

Ces résultats font écho à une autre étude, publiée en juin, démontrant que Trump a obtenu 60% du vote populaire dans les comtés où sont prescrits le plus d’opioïdes aux États-Unis, comme le Vicodin et l’OxyContin.

« On a souvent dit que Trump avait reçu plus de votes des électeurs blancs, ruraux, malmenés économique­ment, notamment les gens âgés, moins éduqués. Mais nous pouvons ajouter que la baisse de l’espérance de vie en soi, un important marqueur du découragem­ent, du désespoir et de la peur, pourrait avoir influencé les électeurs qui ont appuyé Trump», soutient le Dr Lee Goldman, auteur principal et doyen de la Faculté de médecine et des sciences à l’Université Columbia.

Si on ne peut parler de lien de causalité direct, il existe une corrélatio­n entre le recul de l’état de santé et l’appui accordé à Trump, dit-il. Le candidat républicai­n a «surperform­é» dans les comtés balayés par les décès liés à la détresse et au découragem­ent, souvent appelés « morts du désespoir ».

Ce type de mortalité, dopé par la crise des opioïdes, a doublé entre 2000 et 2015, et a contribué à ramener de 78,9 à 78,6 l’espérance de vie aux États-Unis depuis 2012. Même faible, soutient le Dr Goldman, ce ressac pourrait avoir influé sur le cours des choses dans les États du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvan­ie où Trump l’a emporté par moins d’un point de pourcentag­e.

Mais le démographe de l’Université de Montréal Robert Bourbeau accueille ces conclusion­s avec prudence, compte tenu de la méthodolog­ie retenue. Il faut distinguer corrélatio­n et causalité, nuance-t-il.

«Aucune étude semblable n’a été faite au Québec, affirme le Dr Jean Poirier, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Mais d’autres études ont tracé un lien clair entre le niveau des inégalités sociales et le degré de confiance de la population. Or, les États-Unis sont parmi les pays où les inégalités sociales sont les plus marquées. Il ne serait pas étonnant qu’il y ait une associatio­n entre le climat de méfiance ambiant et l’adhésion à un discours comme celui de Donald Trump. »

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