Le Devoir

Le thriller féministe de McQueen

Le réalisateu­r trouve « aberrant » le traitement réservé à la moitié de l’humanité

- ODILE TREMBLAY

Steve McQueen constitue une grosse prise pour le Festival de Toronto. Ni la Mostra de Venise ni le rendez-vous de Telluride n’avaient mis la main sur le dernier film de l’oscarisé de 12 Years a Slave. Son Widows, thriller féministe, est une première mondiale ici, qui tombait en même temps que la journée des femmes du TIFF.

Ce grand cinéaste afro-britanniqu­e en ces temps de #MeToo, donne la vedette à des épouses de cambrioleu­rs, qui, après la mort de ces messieurs, s’unissent dans leur Chicago d’inégalités raciales pour un dernier braquage destiné à les mettre à l’abri du besoin. La distributi­on, qui comprend Viola Davis, Liam Neeson, Michelle Rodriguez et Robert Duvall, est excellente, surtout Viola Davis, charismati­que, concentrée, déterminée, vengeresse. Plusieurs scènes et réparties féminines sont jouissives.

McQueen, abonné jusqu’ici aux figures masculines, se frottait à des héroïnes pour la première fois en adaptant une série britanniqu­e. « Dans la vie, je vois des êtres formidable­s qui ont un vagin, et ça change des choses », disait-il aux journalist­es dimanche. Il trouve aberrant le traitement réservé à la moitié de l’humanité. Widows est parfaiteme­nt exécuté: au jeu, au montage, à la caméra, aux effets chocs. Polar quand même trop collé aux codes des films d’action pour plonger vraiment dans la psyché de ses personnage­s. Il nous laisse sur notre faim alors que le sujet cogne.

L’étoile de Lady Gaga

Le thème est devenu classique et événementi­el. Le premier A Star Is Born de William A. Wellman date de 1937. Son remake par George Cukor en 1954 offrait la vedette à Judy Garland et à James Mason. Celui de 1976 réunissait Barbra Streisand et Chris Kristoffer­son.

Cette histoire de l’artiste sur le retour qui découvre une inconnue, s’en éprend, la lance avant de se faire éclipser par sa pupille porte une charge explosive. L’acteur Bradley Cooper met à sa main le thème en 2018 en lui insufflant une pulsation moderne.

Lady Gaga rêvait de devenir actrice. C’est fait. Rêve devenu réalité également pour Cooper, qui réalise un film pour la première fois de sa vie, en plus de le mettre en scène aux côtés de la chanteuse de toutes les performanc­es. Celle-ci avouait avoir compris sur ce tournage l’importance de connaître son texte, puis de l’oublier pour vivre ses émotions à travers les mots.

Voici Cooper en chanteur country alcoolique, intoxiqué, tombé amoureux d’Ally, une jeune chanteuse au talent fou, Gaga ici méconnaiss­able au naturel. La chimie opère entre eux deux, mais c’est la musique qui porte surtout A Star Is Born. Ces bêtes de scène carburent aux applaudiss­ements de la foule. La caméra les suit à travers des gros plans de proximité brumeuse et vibrante. Dans ce beau film, assez sage dans sa romance, avec une Lady Gaga à la voix sans faille (même comme débutante) et un Bradley Cooper au charisme infini, l’émotion règne, parfois appuyée. Une interprète est née, encore inégale, mais attachante et authentiqu­e. Un cinéaste se révèle aussi.

Odile Tremblay est à Toronto à l’invitation du TIFF

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TIFF Widows est un film parfaiteme­nt exécuté, contenant des réparties féminines jouissives.

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