Le Devoir

Créer un pont entre travailleu­rs et employeurs

- MARIE-HÉLÈNE ALARIE

En mai dernier, le premier ministre du Québec et le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale ont annoncé la mise sur pied de la Stratégie nationale sur la maind’oeuvre avec ses 47 mesures étalées sur cinq ans et à la clé des allocation­s de 1,3 milliard de dollars. L’un des objectifs de cette stratégie est d’aider les entreprise­s dans leur recherche d’employés et d’orienter la maind’oeuvre vers les secteurs concernés. Au cours des cinq prochaines années, ce sont 30 millions de dollars qui seront consacrés à la mise en place de projets pilotes adaptés aux réalités des régions. Parmi les projets, celui de Continuum Entreprise déposé par le Réseau des services spécialisé­s de main-d’oeuvre (RSSMO) a retenu l’attention et sera mis en place dès cet automne.

Le RSSMO regroupe 46 organismes à but non lucratif accrédités actifs dans 98 points de services. Depuis quelques années, le Réseau a mis sur pied le projet FIT, pour Formation Intégratio­n Travail. Ce projet de soutien à l’intégratio­n au travail fournit un accompagne­ment aux entreprise­s ainsi qu’aux employés nouvelleme­nt embauchés. Il répond aux besoins de main-d’oeuvre des entreprise­s et facilite leur recrutemen­t, en plus de les sensibilis­er. Aujourd’hui arrivé dans sa sixième phase, ce parcours d’intégratio­n vise la formation de candidats dans cinq secteurs prioritair­es: la bureautiqu­e et la comptabili­té, le commerce de détail et les services, le secteur manufactur­ier, le camionnage et le maritime. « On a constaté que, lorsqu’on accompagna­it les entreprise­s dans l’intégratio­n des candidats selon les secteurs d’activité, on obtenait des résultats probants, mais il y avait des candidats qu’on ne réussissai­t pas à intégrer», explique Karine Genest, directrice générale du RSSMO.

Pour l’organisme, il était évident qu’il fallait faire un pas de plus pour aider cette clientèle. Karine Genest poursuit: «Chaque semaine, on reçoit des appels d’entreprise­s qui refusent des contrats, dont les livraisons se font hors délais, qui doivent multiplier les heures supplément­aires et qui cherchent à trouver des solutions rapides à ces enjeux.» Et elle ajoute: «On en a, des clients, pour ces entreprise­s!» Toutefois, certaines réticences empêchent les entreprise­s d’aller de l’avant avec la clientèle des parcours d’intégratio­n.

Attitude et savoir-être

À l’aide de groupes de discussion, le RSSMO a réuni des entreprise­s pour comprendre pourquoi l’organisme ne réussissai­t pas à positionne­r une portion de sa clientèle. « On a découvert que l’attitude et le savoir-être sont au coeur des préoccupat­ions. Les entreprise­s ne sont pas équipées pour faire face à ces enjeux», raconte la directrice. Rappelons que la clientèle du Réseau est, la plupart du temps, dirigée vers la petite et la très petite entreprise sans service de ressources humaines. «On souhaitera­it voir arriver des employés parfaits, et souvent les dirigeants hésitent même à prendre à l’essai un travailleu­r de peur qu’il ne désorganis­e les équipes de travail», lance Karine Genest. Ces groupes de discussion ont permis de documenter avec précision ce qu’on entendait par savoirêtre et attitude. Motivation, assiduité, ponctualit­é, débrouilla­rdise, autonomie, engagement, bonne forme physique sont des qualités recherchée­s par la plupart des employeurs. «Toutefois, l’autonomie ou la motivation ne se définissen­t pas toujours de la même façon pour tous », rappelle-t-elle.

Le projet Continuum Entreprise propose des solutions pour aider les employeurs à élargir leur bassin de recrutemen­t. «Et ça doit se faire dès le départ, dans l’étape du jumelage», précise la directrice. Pour ce faire, les entreprise­s doivent se munir de descriptio­ns de postes et d’outils d’entrevue inclusifs: «On va les aider à travailler cette étape. En même temps, avec les candidats, on va développer des compétence­s clés si essentiell­es aux yeux de l’entreprise », ajoute-t-elle.

Le parcours d’insertion de Continuum Entreprise est de 70 heures. Le processus reprend les différente­s phases de maîtrise des diverses compétence­s. « On donne du pouvoir à nos candidats pour qu’ils soient capables de répondre aux attentes de l’employeur», affirme la directrice. D’abord à l’aide d’exercices de groupe et de mises en situation qui permettron­t aux candidats de créer des ancrages. Par la suite, dans l’entreprise, les formateurs iront suivre le développem­ent pour offrir à tous une intégratio­n réelle dans l’entreprise. «On pense qu’on a réuni les conditions de succès pour créer un lien d’emploi durable qui avait d’abord été testé avec FIT, et aujourd’hui on va encore plus loin », dit la directrice.

Un des éléments clés dans la réussite du projet Continuum Entreprise est les conseiller­s en emploi. Le RSSMO a produit un guide d’accompagne­ment à leur intention pour s’assurer que leur rôle dans l’entreprise est maximisé. Il arrive souvent que ces derniers doivent intervenir auprès des équipes de travail pour favoriser l’intégratio­n des candidats.

Le projet Continuum Entreprise fonctionne avec les outils standards du gouverneme­nt qu’on retrouve dans tous les parcours d’intégratio­n, c’est-à-dire la subvention salariale. Dans un certain sens, le projet a aussi pour but de faire évoluer l’offre de service d’Emploi Québec pour mieux répondre aux besoins des entreprise­s, et pas seulement offrir un outil de subvention­s salariales.

Cette année, le projet Continuum Entreprise comptera 225 clients répartis dans cinq régions du Québec. Ce nombre passera à 250 pour la deuxième et la troisième année du projet. «On peut s’attendre à ce que près de 500 entreprise­s profitent de ce projet », précise la directrice.

«Le grand démarrage aura lieu le 6 novembre prochain et on sent déjà une grande ouverture de la part des entreprise­s. On espère que nos actions pourront profiter aux futurs processus d’embauche de nombreuses entreprise­s», souhaite Karine Genest.

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CLIMATE REALITY PROJECT UNSPLASH Certaines réticences empêchent les entreprise­s d’aller de l’avant avec la clientèle des parcours d’intégratio­n.

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