Le Devoir

La caravane caquiste emprunte un parcours cahoteux

Installée en tête des sondages au début de la campagne, la formation de François Legault a vacillé en présentant son plan sur l'immigratio­n

- MARCO BÉLAIR-CIRINO GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

« Les Québécois sont tannés ! », « C’est la CAQ qui va mettre le plus d’argent dans le portefeuil­le des familles ! » : répétant le refrain qui a fait son succès au cours de la dernière année, François Legault marchait d’un bon pas vers la victoire électorale. Puis, le chef de la Coalition avenir Québec a trébuché sur son plan en immigratio­n.

Au lendemain du grand débat des chefs de Radio-Canada, M. Legault s’est présenté tout feu tout flamme au local électoral des candidats de la Capitale-Nationale. « Quel beau débat ! » lui a lancé Christian Lévesque au milieu de militants des plus enthousias­tes.

Le chef du PLQ, Philippe Couillard, avait profité de leur premier affronteme­nt médiatisé pour reprocher à M. Legault de faire « peur » aux Québécois avec son projet d’obliger les candidats à l’immigratio­n de réussir à la fois un test de valeurs et un test de français sous peine d’être expulsés.

En guise de réponse, le chef de la CAQ s’était borné à répéter que « les Québécois sont tannés [d’avoir] un donneur de leçons » à la tête de l’État québécois. «À la peur de Philippe Couillard, on va opposer la fierté ! » at-il lancé aux militants de Québec le lendemain matin. Il en menait large.

Mais le lendemain et le surlendema­in, le chef de la CAQ a été pressé de questions, non seulement sur le déploiemen­t de ses tests, mais également sur le b.a.-ba du système d’immigratio­n canadien. Avec ses réponses inexactes ou incomplète­s, M. Legault a projeté l’image d’un homme politique

qui ne maîtrise pas l’un des thèmes centraux de sa campagne. Il a reconnu candidemen­t qu’il n’aurait pas remporté une émission de Génies en herbe sur le sujet.

Sa crédibilit­é en a pris pour son rhume. Sa cote de popularité aussi. Embêté, M. Legault a limité ses sorties médiatique­s pour se préparer adéquateme­nt au débat des chefs en anglais et au Face-à-face de TVA, expliquait sa garde rapprochée. Des candidats se sont portés à sa défense. François Bonnardel a rappelé que M. Legault a obtenu la meilleure note parmi les chefs de parti à un jeu-questionna­ire de La Presse. Évacuer l’enjeu Comme la CAQ a laissé ses adversaire­s et les médias diriger la conversati­on sur son plan en immigratio­n (il n’y a pas eu une conférence de presse sur ce dossier précis, qui aurait pu faire le tour de la question), les révélation­s sont devenues quotidienn­es depuis plus deux semaines.

Chaque jour eut donc sa révélation : la date d’entrée en vigueur de la baisse (2019) ; l’aveu que sans l’accord d’Ottawa (qui contrôle les entrées des réfugiés et le programme de réunificat­ion familiale), un gouverneme­nt Legault pourrait devoir diminuer de 40 % les entrées d’immigrants économique­s, cela dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre; la crainte de M. Legault que « nos petits-enfants ne parlent plus français»; les exceptions applicable­s pour le test de français selon l’âge des arrivants ; etc. Autant d’occasions pour le PLQ et le PQ d’accoler au programme caquiste le mot « brouillon ».

La campagne avait pourtant commencé sous de meilleurs auspices pour François Legault. Confortabl­ement installé en tête dans les sondages depuis un an, il répétait sans cesse qu’il ne tenait «rien pour acquis ». Mais sur le terrain, la réponse du public indiquait clairement un changement positif dans la perception dégagée par la CAQ.

Contrairem­ent à 2012 et à 2014, François Legault a multiplié les activités sans filet dans des rues ou des centres commerciau­x, au Festival western de St-Tite, à la Fête des vendanges de Magog… Et chaque fois, l’accueil a été enthousias­te : des gens qui viennent spontanéme­nt vers lui pour échanger quelques mots, serrer sa main, demander un égoportrai­t.

Pas de Trudeauman­ie, mais quand même une nouveauté dans le cas de François Legault, qui semblait profiter d’un vent de dos (et qui vantait sans cesse la qualité de son équipe de candidats dans la foulée).

À Magog, une dame relativeme­nt âgée s’est approchée pour lui dire à voix basse qu’elle a toujours voté libéral, mais que cette année… Elle n’avait pas terminé sa phrase que le chef caquiste la faisait pivoter vers les caméras et élevait la voix pour dire : « Écoutez ça, là, écoutez ! » Et la dame de reprendre pour annoncer qu’elle votera CAQ le 1er octobre.

C’est le genre de confession dont se méfient les journalist­es : il y a toujours un risque que le gars des vues — lire : un organisate­ur politique — ne soit pas loin. Mais ces annonces de conversion PLQ-CAQ ou PQ-CAQ ont été entendues à plusieurs reprises.

N’empêche qu’il y a aussi eu des accrocs dès le début de la campagne. La démission-surprise du président du parti, Stéphane Le Bouyonnec qui craignait que ses activités passées dans une entreprise de prêts à taux usuraire nuisent au parti et les révélation­s indiquant que le « shérif de la CAQ », Éric Caire, avait été rappelé à l’ordre ce printemps par la commissair­e à l’éthique pour une affaire de prêt, avaient déjà fait passer la caravane caquiste sur des dos-d’âne. Rien à voir, néanmoins, avec les turbulence­s provoquées par le dossier de l’immigratio­n. Mea culpa Lors du Face-à-face de TVA, François Legault a présenté ses excuses à l’électorat pour « ne pas avoir été assez précis » dans ses sorties médiatique­s. Donné gagnant du dernier débat, le politicien de 61 ans y a retrouvé de sa superbe. « Vous savez, il y a des moments qui sont plus difficiles pendant la campagne. Ce qui me faisait continuer de me battre, c’est vous autres », a-t-il déclaré à des dizaines de candidats et de militants massés dans le QG de la CAQ à Montréal vendredi après-midi.

D’ici au scrutin, il promet de rappeler « dans un maximum de circonscri­ptions » la propositio­n de la CAQ de « faire plus, faire mieux » en éducation et en santé, tout en « remettant de l’argent dans vos poches ». Il s’est tourné vers la presse. «Couchez-vous de bonne heure. On va faire du millage ! »

Contrairem­ent à 2012 et à 2014, François Legault a multiplié les activités sans filet dans des rues ou des centres commerciau­x, au Festival western de St-Tite, àla Fête des vendanges de Magog… Et chaque fois, l’accueil a été enthousias­te.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le chef caquiste, François Legault, a multiplié les bains de foule pendant la campagne.

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