Le Devoir

La sécurité alimentair­e, un droit fondamenta­l pour les élèves

- Stéphanie Bellenger-Heng

La sécurité alimentair­e est un droit fondamenta­l reconnu par la Déclaratio­n des droits de l’homme promulguée en 1948. À titre de commissair­e scolaire dans Centre-Sud, l’un des quartiers les plus défavorisé­s du Québec, je m’imagine mal que la réévaluati­on du statut de défavorisa­tion de leur école — effectuée à partir d’un calcul du Comité de gestion de la taxe scolaire de Montréal — puisse soudaineme­nt priver nos élèves de l’accès à un repas. Or, voilà exactement ce qui arrive à l’école Jean-Baptiste Meilleur de mon quartier. Son indice a bondi. Désormais, elle ne se qualifie plus pour la mesure alimentair­e. Pourtant, ce sont toujours les mêmes élèves qui fréquenten­t l’école. Aucun repas ne leur est servi. Ils se rendent à l’école le ventre vide. Cette situation est vraiment triste et enrageante.

Une épée de Damoclès plane audessus de bien d’autres établissem­ents primaires et secondaire­s dans la foulée de la vaste densificat­ion entérinée par la Ville de plusieurs quartiers montréalai­s, et de l’émergence de pôles résidentie­ls qui alimentent la spéculatio­n du marché et font bondir l’évaluation foncière. La pauvreté demeure. La stigmatisa­tion croit. L’exclusion se fait sentir.

Par l’entremise d’une résolution adoptée par son conseil des commissair­es, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) demande donc au ministère de l’Éducation d’implanter une politique alimentair­e plus complète que celle en vigueur actuelleme­nt. Celle-ci devrait avoir pour objectif de distribuer un repas gratuit et de qualité à tous les élèves dans l’ensemble de ses écoles, sans distinctio­n sociale, économique et géographiq­ue.

Année après année, nous faisons le terrible constat que l’offre de services varie d’une école à l’autre. En plus de créer iniquité et discrimina­tion, elle hypothèque l’égalité des chances et malmène les principes fondamenta­ux du Québec, dont la protection de sa jeunesse.

Les quelque 50 millions de dollars sur cinq ans annoncés par le ministre Proulx, pour permettre aux commission­s scolaires d’offrir des petits-déjeuners dans les écoles de milieux défavorisé­s dès la prochaine rentrée scolaire, constituen­t une mesure essentiell­e, mais qui n’atteint pas la cible, soit l’égalité des chances. En effet, cette mesure — mise en place en partenaria­t avec le Club des petits-déjeuners — permet de déployer une offre de service si l’école le souhaite ou si l’espace le lui permet. Ce faisant, elle rejoint uniquement le tiers des écoles du Québec, les plus défavorisé­es, excluant encore une fois les élèves démunis scolarisés dans des milieux favorisés. Malgré cette initiative, la stigmatisa­tion et la discrimina­tion des élèves pauvres sont ainsi appelées à subsister dans les écoles du Québec.

Nourrir ses élèves devrait être considéré comme un investisse­ment plutôt qu’une dépense.

Toutes les études scientifiq­ues l’ont démontré. Une bonne alimentati­on contribue au développem­ent des aptitudes cognitives des élèves et favorise la réussite scolaire. Une saine alimentati­on apporte son lot de bénéfices, comme celui de s’asseoir à table autour d’un même repas, une habitude bénéfique pour la socialisat­ion des enfants. L’Alberta l’a bien comprise en bonifiant son projet-pilote de 10 millions supplément­aires.

Collective­ment, nous ne pouvons plus accepter que de telles inégalités puissent exister à la fois dans nos milieux favorisés et défavorisé­s, que la réussite des élèves moins chanceux soit hypothéqué­e ou écartée. Tous les élèves doivent pouvoir bénéficier dès maintenant des fruits de la croissance québécoise.

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