La sécurité alimentaire, un droit fondamental pour les élèves
La sécurité alimentaire est un droit fondamental reconnu par la Déclaration des droits de l’homme promulguée en 1948. À titre de commissaire scolaire dans Centre-Sud, l’un des quartiers les plus défavorisés du Québec, je m’imagine mal que la réévaluation du statut de défavorisation de leur école — effectuée à partir d’un calcul du Comité de gestion de la taxe scolaire de Montréal — puisse soudainement priver nos élèves de l’accès à un repas. Or, voilà exactement ce qui arrive à l’école Jean-Baptiste Meilleur de mon quartier. Son indice a bondi. Désormais, elle ne se qualifie plus pour la mesure alimentaire. Pourtant, ce sont toujours les mêmes élèves qui fréquentent l’école. Aucun repas ne leur est servi. Ils se rendent à l’école le ventre vide. Cette situation est vraiment triste et enrageante.
Une épée de Damoclès plane audessus de bien d’autres établissements primaires et secondaires dans la foulée de la vaste densification entérinée par la Ville de plusieurs quartiers montréalais, et de l’émergence de pôles résidentiels qui alimentent la spéculation du marché et font bondir l’évaluation foncière. La pauvreté demeure. La stigmatisation croit. L’exclusion se fait sentir.
Par l’entremise d’une résolution adoptée par son conseil des commissaires, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) demande donc au ministère de l’Éducation d’implanter une politique alimentaire plus complète que celle en vigueur actuellement. Celle-ci devrait avoir pour objectif de distribuer un repas gratuit et de qualité à tous les élèves dans l’ensemble de ses écoles, sans distinction sociale, économique et géographique.
Année après année, nous faisons le terrible constat que l’offre de services varie d’une école à l’autre. En plus de créer iniquité et discrimination, elle hypothèque l’égalité des chances et malmène les principes fondamentaux du Québec, dont la protection de sa jeunesse.
Les quelque 50 millions de dollars sur cinq ans annoncés par le ministre Proulx, pour permettre aux commissions scolaires d’offrir des petits-déjeuners dans les écoles de milieux défavorisés dès la prochaine rentrée scolaire, constituent une mesure essentielle, mais qui n’atteint pas la cible, soit l’égalité des chances. En effet, cette mesure — mise en place en partenariat avec le Club des petits-déjeuners — permet de déployer une offre de service si l’école le souhaite ou si l’espace le lui permet. Ce faisant, elle rejoint uniquement le tiers des écoles du Québec, les plus défavorisées, excluant encore une fois les élèves démunis scolarisés dans des milieux favorisés. Malgré cette initiative, la stigmatisation et la discrimination des élèves pauvres sont ainsi appelées à subsister dans les écoles du Québec.
Nourrir ses élèves devrait être considéré comme un investissement plutôt qu’une dépense.
Toutes les études scientifiques l’ont démontré. Une bonne alimentation contribue au développement des aptitudes cognitives des élèves et favorise la réussite scolaire. Une saine alimentation apporte son lot de bénéfices, comme celui de s’asseoir à table autour d’un même repas, une habitude bénéfique pour la socialisation des enfants. L’Alberta l’a bien comprise en bonifiant son projet-pilote de 10 millions supplémentaires.
Collectivement, nous ne pouvons plus accepter que de telles inégalités puissent exister à la fois dans nos milieux favorisés et défavorisés, que la réussite des élèves moins chanceux soit hypothéquée ou écartée. Tous les élèves doivent pouvoir bénéficier dès maintenant des fruits de la croissance québécoise.