Le Devoir

Spécial Salon du livre de Montréal

Avec Nos héroïnes, Anaïs Barbeau-Lavalette ravive la mémoire de nos pionnières

- MARIE FRADETTE COLLABORAT­RICE LE DEVOIR Anaïs Barbeau-Lavalette sera au Salon du livre de Montréal le samedi 17 novembre.

Anaïs Barbeau-Lavalette ravive la mémoire de nos pionnières.

C’est au moment où elle écrit La femme qui fuit qu’Anaïs BarbeauLav­alette prend conscience du manque flagrant de modèles féminins dans notre histoire écrite. À l’instar de sa grand-mère — Suzanne Meloche, femme forte qui décide de quitter la famille pour s’accomplir —, plusieurs femmes ont façonné le pays, porté leur cause, quitte à tout perdre.

Avec Nos héroïnes, qui paraît tout juste chez Marchand de feuilles, l’auteure met en lumière une quarantain­e de portraits singuliers qui ont, depuis les débuts de la colonie jusqu’à la période contempora­ine, marqué l’histoire, façonné le paysage culturel et social. «Écrire ce livre est, pour moi, la suite logique des choses. Qu’est-ce qu’on construit après #MoiAussi? C’est ça. On construit des modèles de femmes fortes qui depuis très longtemps se sont levées et ont bravé les interdits», explique Anaïs BarbeauLav­alette dans une entrevue accordée au Devoir.

Bien que sa façon de les mettre en lumière permette aux lecteurs, petits et grands, de prendre la mesure des exploits, Anaïs Barbeau-Lavalette parvient à les présenter d’abord et avant tout comme des êtres humains qui ont su tenir tête, croire en leurs forces et s’affirmer comme tels. «Il faut se réappropri­er cette façon de raconter en présentant de façon naturelle le vécu de ces Kateri Tekakwitha, Louise de Ramezay, Emma Lajeunesse », ajoute-t-elle.

Si quelques figures incontourn­ables se sont imposées lors de la sélection des modèles — Marie Rollet, Simonne Monet-Chartrand, La Bolduc, Thérèse Forget-Casgrain en tête —, les coups de coeur et les personnali­tés marginales ont par la suite guidé le choix. «Je voulais un portrait d’héroïnes varié, un éventail de luttes aussi. Il y a autant de sportives que de militantes pour les droits. Il y avait aussi beaucoup d’Amérindien­nes qui s’imposaient, parce qu’elles font partie de notre paysage. Je trouve ça beau de faire cohabiter ces femmes de façon naturelle. »

Tendre et enveloppan­te, l’auteure parvient ainsi à poser un regard très doux et humain sur chacune d’elles, favorisant l’identifica­tion. « Je pense qu’on peut être forte tout en étant très féminine. Il y a des femmes qui finissent en prison et qui continuent à porter leur collier de perles. La modernité du féminisme, c’est ça aussi. Tu peux être une femme séduisante qui aime se mettre belle tout en levant le poing et en allant se battre. Tout ça est conciliabl­e. C’est cette vision globale de l’héroïne que j’avais envie de montrer. On s’est tellement fait raconter des histoires d’hommes forts et vainqueurs, mais c’est beau aussi, des femmes fortes. De rendre ça accessible et non unidimensi­onnel, c’était très important pour moi. »

Pousser droit et fier

Écrit et pensé pour les enfants, Nos héroïnes s’est imposé de lui-même dans le parcours de l’auteure. «Il fallait que je m’adresse à nos enfants. Pendant l’écriture, j’étais branchée sur eux. Je leur parlais, c’est à eux que je m’adressais. J’ai d’ailleurs réalisé que, grâce au livre, les femmes allaient faire partie de la mémoire collective des enfants. Je parle déjà de Rosa Parks, de Frida Kahlo, de Marie Curie à mes enfants, et ils jouent à être ces personnage­s. Ça fait partie de leur imaginaire autant que Spider-Man et la Reine des neiges. Je me dis alors : pourquoi pas Marie Gérin-Lajoie? Si la Reine des neiges peut exister aussi fortement, je suis certaine que nos héroïnes québécoise­s le peuvent aussi. »

Mais au-delà de cette volonté de faire connaître ces femmes qui ont forgé notre histoire, Anaïs BarbeauLav­alette porte en elle et à travers ce livre un désir plus grand nourri d’espérance. «Je trouve qu’on est dans une époque lourde à porter et j’aimerais que les enfants sachent qu’on peut encore avancer dans le monde de façon lumineuse. Ils doivent sentir qu’ils ont une marge de manoeuvre, qu’ils ont un pouvoir, qu’ils peuvent grandir en faisant partie de ce monde-là, en se l’approprian­t, en l’inventant à leur façon. Et j’aimerais que les petites filles et les petits garçons s’approprien­t ces héroïnes, qu’elles nourrissen­t leur fierté, qu’elles les encouragen­t à participer au monde. »

La mémoire collective, l’importance de faire partie d’un tout pour mieux marcher ensemble vers demain, participe de la démarche de l’auteure, qui est avant tout une mère et une citoyenne. «Ce que j’ai envie de partager avec ce livre, ce sont des prises de pouvoir sur le monde, et c’est notre rôle en tant que parents de transmettr­e ça.» Le 10 novembre il y aura une marche pour la suite du monde dans tout le Québec pour exprimer notre désir de participer de façon individuel­le et collective à la lutte contre les changement­s climatique­s.

«Cette marche, autant que mon livre, s’inscrit dans cette même volonté de participer à un grand tout. J’aimerais que les petits vivants puissent pousser droit et être fiers d’être des êtres humains sur terre. Le livre permet une certaine perspectiv­e sur l’histoire, permet de comprendre que ces héroïnes ont, elles aussi, vécu dans un monde difficile. Elles perdaient leurs enfants à cause de la petite vérole, elles ne pouvaient pas choisir leur chef de pays ou leur mari. Mais elles ont avancé. C’est clair que ça relativise et fait prendre conscience du chemin parcouru. Oui, il y a encore du chemin à faire, mais il faut se tenir debout et ne pas perdre espoir. »

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Tendre et enveloppan­te, Anaïs Barbeau-Lavalette parvient à poser un regard très doux et humain sur chacune des femmes.

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