La tentation du déni
Si aucune erreur n’a été commise durant la campagne électorale, comme Jean-François Lisée semble le croire, la situation du PQ est encore plus dramatique qu’on pouvait le croire. M. Lisée soutient avoir réussi à éviter le pire, mais un résultat aussi catastrophique après un parcours sans faute aurait de quoi décourager les plus optimistes. Il fallait être culotté pour se féliciter d’avoir sauvé les meubles après avoir promis de mener le PQ sur le « chemin des victoires ». Quoi qu’il en dise, M. Lisée a bel et bien brisé l’élan de son parti — et le moral de ses troupes — avec son attaque incongrue contre Manon Massé lors du deuxième débat en français, mais il ne faudrait pas exagérer l’effet de cette bourde. Le PQ aurait peut-être sauvé quelques sièges de plus, mais sa situation n’aurait pas été tellement plus rose.
Au lendemain d’une défaite, surtout une telle raclée, la tentation est grande de se réfugier dans le déni ou de chercher des boucs émissaires. Le PLQ semble également avoir beaucoup de mal à faire une analyse objective des résultats du 1er octobre.
Certains, comme les anciens députés Nicolas Marceau et Alain Therrien, s’en prennent à la « convergence ». En voulant s’allier à Québec solidaire, le PQ aurait fait fuir ceux qui voient en QS une bande de bolcheviques ou, au mieux, de rêveurs. Cela est très possible. D’ailleurs, de nombreux solidaires étaient encore plus horrifiés à l’idée de faire alliance avec le PQ. La plus grande erreur a peut-être été d’avoir sous-estimé leur répulsion.
Il est également vrai que le report du référendum après 2022 a pu inciter des électeurs souverainistes à tourner le dos au PQ, tout comme des électeurs fédéralistes se sont sentis autorisés à faire faux bond aux libéraux.
Tout cela n’explique cependant pas pourquoi la popularité du PQ était en baisse depuis vingt ans, malgré la victoire de 1998, remportée avec moins de voix que le PLQ, et le bref gouvernement de Pauline Marois, qui apparaît en rétrospective comme un accident de parcours. On a évoqué avec raison la charte des valeurs, mais elle a accéléré plus qu’elle n’a provoqué cette désaffection.
Il est sans doute injuste de comparer le PQ des dernières années à celui de sa période glorieuse, alors que le bipartisme lui assurait de revenir au pouvoir quand le passage du temps avait suffisamment usé les libéraux.
L’avènement du multipartisme a fait disparaître cet automatisme. Cet éclatement du paysage politique était sans doute inscrit dans le résultat du référendum de 1995. Il était difficile d’envisager un match revanche à court terme. À partir du moment où l’indépendance était reportée sine die, maintenir intacte la coalition du oui devenait pratiquement impossible.
Au PQ, on se plaît à répéter le mot de Bernard Landry, à savoir que l’indépendance n’est ni à gauche ni à droite, mais en avant. On a cependant beaucoup de mal à accepter que le PQ n’est plus la coalition d’antan ; il ne peut plus qu’être un membre parmi d’autres au sein d’une nouvelle coalition, dont l’instauration d’un mode de scrutin proportionnel faciliterait la formation.
Il va de soi que la promotion de la souveraineté doit être au centre de l’action du PQ, mais le parti ne peut pas faire l’économie d’un projet de société et de gouvernement en attendant le Grand Soir. C’est très bien de dire que « la maison doit être accueillante pour tout le monde », mais un parti politique n’est pas un magasin général où chacun peut choisir ce qu’il veut. Cela implique de faire des choix d’ordre idéologique.
Après le virage à gauche du congrès de septembre 2017, voilà maintenant qu’on voudrait ramener le PQ vers la droite, mais est-ce réellement l’orientation social-démocrate du PQ qui a été rejetée le 1er octobre ? Cloner la CAQ est-il la solution ?
Le plus difficile après une défaite est de regarder la réalité en face. Avant de discuter de stratégie, les péquistes devraient peut-être se demander pourquoi la souveraineté n’intéresse plus la jeune génération. On connaît la réponse : « Parce qu’on ne leur en a pas assez parlé. » Vraiment ? Finalement, Jean-François Lisée a peut-être raison : le pire est encore à venir.
Il va de soi que la promotion de la souveraineté doit être au centre de l’action du PQ, mais le parti ne peut pas faire l’économie d’un projet de société et de gouvernement en attendant le Grand Soir. C’est très bien de dire que « la maison doit être accueillante pour tout le monde », mais un parti politique n’est pas un magasin général où chacun peut choisir ce qu’il veut. Cela implique de faire des choix d’ordre idéologique.