Le Devoir

Les Courageuse­s plaident la force du nombre

Les présumées victimes de Gilbert Rozon déposent leur mémoire d’appel

- AMÉLI PINEDA

Le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, tente de « retirer tout accès pratique à la justice » aux Courageuse­s en contestant leur action collective, plaide le groupe dans un document déposé lundi à la Cour d’appel. Les présumées victimes estiment que l’ancien magnat de l’humour sait qu’elles n’auront pas le courage de le poursuivre individuel­lement.

«Avant la vague de dénonciati­on #MoiAussi, survenue à l’automne 2017, les victimes étaient dans une situation d’impossibil­ité en fait d’agir et n’avaient pas la capacité de dénoncer l’appelant vu le pouvoir et le statut dont il jouissait », soulignent les avocats des Courageuse­s. Le groupe des Courageuse­s a été créé à la suite des révélation­s du Devoir et du 98,5 FM à propos d’allégation­s d’agressions sexuelles portées par neuf femmes contre Gilbert Rozon, en octobre 2017.

Rappelons que c’est en mai dernier que les Courageuse­s ont été autorisées à intenter une action collective contre Gilbert Rozon par le juge Donald Bisson de la Cour supérieure. Le groupe lui réclame 10 millions de dollars en dommages punitifs seulement. M. Rozon, qui réfute les allégation­s d’agressions et de harcèlemen­t sexuels, a obtenu en août dernier le feu vert du plus haut tribunal de la province pour contester le jugement du juge Bisson.

« L’objectif de [M. Rozon est] de leur retirer tout accès pratique à la justice sachant que si elles ne peuvent procéder par voie d’action collective, plusieurs d’entre elles n’auront pas le courage d’intenter des actions individuel­les vu les énormes difficulté­s qu’elles doivent surmonter dans l’exercice de leurs recours individuel­s », estiment les avocats des Courageuse­s.

Les avocats du groupe, qui rassemble désormais une vingtaine de femmes, insistent sur l’importance de la force du nombre dans un tel dossier. « C’est […] l’action collective qui a permis aux victimes vulnérable­s de se manifester et d’affronter leur agresseur sur un pied d’égalité », font-ils valoir.

D’ailleurs, le caractère unique de l’action, qui pour la première fois au pays vise uniquement un individu sans le rattacher à une institutio­n, n’entrave pas la justice, contrairem­ent à ce que prétend M. Rozon, soutiennen­t les avocats des Courageuse­s. «La seule différence entre ces autres actions collective­s visant à la fois un individu et une institutio­n et la présente action collective est que Gilbert Rozon a réussi à systématiq­uement agresser et harceler sexuelleme­nt ses victimes sans recourir à l’assistance, à la complicité ou à la négligence d’une institutio­n pour faciliter et camoufler ses gestes. [M. Rozon] n’a eu besoin que de son importante position de pouvoir, son statut influent au Québec et son prestige », écrivent-ils.

Les avocats des Courageuse­s reviennent sur les démêlés de M. Rozon avec la justice en 1998, lorsqu’il a plaidé coupable à une accusation criminelle d’agression sexuelle sur une jeune femme de 19 ans.

« Il a obtenu une absolution inconditio­nnelle pour éviter de gêner ses importante­s activités profession­nelles et internatio­nales [envoyant] le message haut et fort aux victimes qu’il pouvait continuer sa prédation sans aucune conséquenc­e », soulignent-ils, ajoutant que l’action collective constitue le seul véhicule procédural qui permettra l’accès à la justice aux victimes de M. Rozon.

Le fondateur de Juste pour rire estime quant à lui que l’action collective du groupe de présumées victimes d’agressions sexuelles qui le vise est « une injustice» qui le force «à dépenser des sommes substantie­lles », selon son mémoire d’appel déposé le 1er octobre.

Aucune accusation criminelle n’a été portée jusqu’ici contre Gilbert Rozon.

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