Le Devoir

Au Québec de financer une université francophon­e en Ontario

- Axel Fournier Avocat, Varennes Jean-Michel Laliberté Étudiant en génie logiciel à l’Université Concordia, Bouchervil­le

Tout le Canada français s’entend : la décision du gouverneme­nt Ford d’annuler le projet d’université francophon­e et de supprimer le Commissari­at aux services en français constitue une attaque frontale contre la nation canadienne-française. Le Québec, seule province majoritair­ement francophon­e, ne peut se contenter de critiquer publiqueme­nt le gouverneme­nt ontarien. Nous avons le devoir moral de soutenir les francophon­es hors Québec, et des mesures concrètes s’imposent.

Notre propositio­n est donc simple : le Québec devrait financer l’installati­on d’un campus d’une université à charte québécoise à Toronto, afin de remplacer le projet d’Université de l’Ontario français, et financer en partie la mesure en haussant les droits de scolarité des étudiants ontariens au Québec.

Cette mesure pourrait s’inscrire dans les compétence­s provincial­es québécoise­s, dans la mesure où ce nouveau campus d’une université québécoise permettrai­t de raffermir les échanges entre les deux provinces, en plus de fournir une formation compatible avec le marché du travail du Québec. D’ailleurs, avant de déménager son école à Gatineau, le Barreau du Québec a longtemps maintenu une école à Ottawa, preuve qu’il y a déjà eu un précédent d’institutio­n scolaire québécoise en Ontario.

Il est dans l’intérêt du Québec de promouvoir la francophon­ie à l’échelle canadienne. D’ailleurs, la province offre déjà aux Canadiens hors Québec de payer les frais scolaires des Québécois lorsqu’ils s’inscrivent dans un programme universita­ire de littératur­e française ou d’études québécoise­s, subvention­nant ainsi indirectem­ent la francophon­ie à l’échelle canadienne.

Défendre nos compatriot­es

Une interventi­on financière du Québec forcerait le gouverneme­nt Ford à se positionne­r sur la véritable question. S’il s’oppose à un projet entièremen­t financé par le Québec, il démontrera que sa mesure vise à nuire aux Canadiens français et qu’elle n’a aucune lo- gique budgétaire. Si, au contraire, il plie et accepte de financer l’université ou même d’accepter un projet québécois, nous aurons atteint notre objectif de défense de nos compatriot­es.

Certains Québécois s’opposeraie­nt sans doute à une telle velléité de financer les études en français en Ontario, en arguant que les impôts des Québécois doivent servir à améliorer l’éducation au Québec et non dans la province voisine. Nous leur répondons que le meilleur moyen de défendre le français au Québec est précisémen­t de le promouvoir partout dans le monde, et particuliè­rement dans une province contiguë avec laquelle nous sommes particuliè­rement intégrés économique­ment.

Une telle mesure pourrait également être financée en partie par une augmentati­on des droits de scolarité des étudiants ontariens dans les université­s québécoise­s anglophone­s. En effet, nombreux sont les Ontariens qui viennent étudier dans le réseau universita­ire anglophone du Québec pour bénéficier des droits de scolarité moins élevés qu’en Ontario. Par exemple, les frais scolaires annuels pour un baccalauré­at en génie en Ontario représente­nt en moyenne plus de 12 500$, alors que, pour un Ontarien, ils représente­nt environ 7600$ au Québec. Il en est de même pour la grande majorité des programmes, y compris la gestion, les sciences pures, l’informatiq­ue, la médecine et le droit.

En somme, ces deux mesures permettrai­ent de favoriser l’épanouisse­ment de la francophon­ie canadienne et de développer davantage de liens économique­s et culturels entre les communauté­s francophon­es du pays. Elles auraient aussi le mérite d’envoyer un message politique clair au gouverneme­nt ontarien: nous n’abandonner­ons pas les francophon­es hors Québec.

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