Le Devoir

Centre d’achats : centre nerveux

Un choeur de voix fortes qui finit malheureus­ement par s’enliser

- CHRISTIAN SAINT-PIERRE COLLABORAT­EUR

Depuis la création de sa première pièce, Du vent entre les dents, celle qui l’a révélée en 2007, Emmanuelle Jimenez a répondu à diverses commandes, entre autres pour le NTE; elle a écrit quelques textes en tandem, notamment avec François Archambaul­t. C’est sûrement son humour mordant, sa justesse d’observatio­n, ses portraits acides, mais toujours empathique­s, qui l’ont menée tout droit au Théâtre de la Marée Haute et à son directeur artistique, MichelMaxi­me Legault, qui met en scène ces jours-ci sa plus récente pièce, un septuor intitulé Centre d’achats.

Ce sont sept femmes aussi désemparée­s qu’attachante­s, au bord de la crise de nerfs, soumises à des impératifs sexuels et sociaux qui les étouffent, des personnage­s que Pedro Almodovar et Michel Tremblay ne renieraien­t certaineme­nt pas. Dans leurs envolées lyriques, choeur de préoccupat­ions intimes aux résonances collective­s, duos où s’exprime leur désir de goûter au bonheur, elles traduisent leur aliénation envers une société fondée sur la surconsomm­ation et les apparences. À la recherche d’un objet ou d’un vêtement qui donnerait un sens à leur vie, elles sont également en quête d’une appartenan­ce, de compagnie pour tromper la solitude, d’un être qui les aiderait à sortir du labyrinthe.

Vous l’aurez compris, ces femmes se réunissent au temple, leur lieu de culte, à la fois refuge et prison, eldorado et mirage : le centre commercial, dans toute sa splendeur. Il y a les septuagéna­ires, Simone (Marie-Ginette Guay) et son amie Yvette (Danielle Proulx), les quinquagén­aires, Josiane (Marie Charlebois) et sa soeur Suzanne (Anne Casabonne), puis les quadragéna­ires, Sandrine (Madeleine Péloquin) et sa soeur Lea (Johanne Haberlin). Sans oublier Julie-Josie (Tracy Marcelin), la fille de Josiane, dont la voix,

Ces femmes se réunissent au temple, leur lieu de culte, à la fois refuge et prison, eldorado et mirage : le centre commercial, dans toute sa splendeur

adolescent­e et discordant­e, fait un bien fou. Toutes, elles arpentent les dédales du centre commercial, un lieu emblématiq­ue de notre époque s’il en est, pour fuir la réalité, composer le mieux possible avec leurs angoisses existentie­lles. Pour certaines, il s’agit d’encaisser le vieillisse­ment ou la mort imminente d’une soeur. Pour d’autres, il s’agit de nier la dépression, de refouler la colère, ou encore d’éteindre le volcan de jalousie qui menace à tout instant d’entrer en éruption.

Pour accueillir les échanges quasi musicaux de ces prêtresses du magasinage, des femmes que les coiffures de Denis Binet et les vêtements de Denis Gagnon rendent plus grandes que nature, Michel-Maxime Legault a choisi un lieu immaculé, un espace blanc, surélevé, d’inspiratio­n gréco-romaine. On ne sait trop si c’est le propos qui devient redondant ou bien la mise en scène qui peine à s’engager dans de nouvelles avenues, mais on quitte la salle en se disant que l’aboutissem­ent n’est pas à la hauteur de la promesse, que la conclusion ne répond pas à la gravité de la situation avec suffisamme­nt de virulence.

Centre d’achats

Texte: Emmanuelle Jimenez. Mise en scène: Michel-Maxime Legault. Une coproducti­on du Théâtre de la Marée Haute et du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 1er décembre.

 ?? VALÉRIE REMISE ?? Danielle Proulx incarne Yvette, qui forme un duo de septuagéna­ires avec son amie Simone (Marie-Ginette Guay).
VALÉRIE REMISE Danielle Proulx incarne Yvette, qui forme un duo de septuagéna­ires avec son amie Simone (Marie-Ginette Guay).

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