Mise à jour économique : les libéraux protègent leur gauche et leur droite, en plus de donner un peu d’air frais aux médias
Les libéraux utilisent toute leur marge de manoeuvre pour contrer les effets néfastes de la réforme fiscale américaine
À un an de l’élection, les libéraux de Justin Trudeau profitent de leur mise à jour économique pour se prémunir autant contre les attaques venant de la gauche que celles provenant de la droite. Mais ce faisant, ils dilapident la marge de manoeuvre que l’amélioration de l’économie leur avait fournie et prêtent le flanc à ceux qui auraient préféré un retour à l’équilibre budgétaire.
Dans le document présenté mercredi, Ottawa prend acte de ce que les États-Unis, sous la gouverne de Donald Trump, ont sabré le taux d’imposition des entreprises (de 35 % à 21 %).
«La réforme fiscale fédérale des États-Unis a réduit considérablement l’avantage fiscal général que le Canada a établi au fil des années, peut-on lire dans le document du ministère des Finances. Cela présente des défis importants qui, si rien n’est fait, pourraient avoir des répercussions importantes sur les investissements, les emplois et les perspectives économiques des Canadiens et de la classe moyenne. »
Le NPD craignait qu’Ottawa utilise ce prétexte pour justifier une réduction encore plus prononcée de l’impôt des entreprises. Le chef Jagmeet Singh proposait qu’Ottawa vienne plutôt en aide aux entreprises faisant des gestes positifs pour l’environnement. Il est en partie exaucé.
Le gouvernement fédéral propose d’accélérer l’amortissement des investissements des entreprises, de manière temporaire. C’est de loin la mesure la plus importante de la mise à jour : elle coûtera 14 milliards de dollars au total, soit 4,9 milliards en 2019-2020, 3,8 milliards l’année suivante, puis de moins en moins chaque année jusqu’à ce que la mesure soit abolie en 2028.
Lorsqu’une entreprise acquiert de la machinerie ou des immeubles, elle doit, à des fins de déduction fiscale, étaler le coût de son acquisition sur sa période prévue de rendement. Ottawa permettra que l’équipement acheté pour la fabrication manufacturière et la production d’énergie propre puisse être amorti à 100 % l’année d’achat plutôt qu’à 25 %.
Tous les autres types d’investissements, comme l’achat de tracteurs, d’aéronefs ou d’ordinateurs, pourront être amortis plus vite, quoiqu’encore sur quelques années.
Le ministre des Finances, Bill Morneau, a expliqué que les baisses d’impôt n’auraient que récompensé les gestes passés. « Il n’y a pas de nécessité d’avoir plus de profits pour un investissement qui a déjà été fait. Le but est d’avoir plus d’investissements à l’avenir pour assurer des emplois à la population
« Trop général » au goût de Singh
Jagmeet Singh n’est néanmoins pas satisfait, car il juge la mesure de portée « encore trop générale ». « C’est un allégement général fiscal de 14 milliards de dollars pour de riches sociétés, ce qui leur permettra d’acheter des jets privés et des limousines alors que, au même moment, monsieur et madame Tout-le-monde souffrent. »
Le Parti conservateur n’avait rien à dire à propos de cette mesure pourtant susceptible de lui plaire. « On va regarder les détails », s’est borné à lancer le critique en matière de Finances, Pierre Poilievre. (Le chef Andrew Scheer n’était pas présent mercredi.)
M. Poilievre n’en a que contre l’absence d’un horizon de retour à l’équilibre budgétaire. « Il y a trois ans, Justin Trudeau avait promis que le budget s’équilibrerait par lui-même. Aujourd’hui, on apprend qu’avec son plan, il ne s’équilibrera jamais. »
De fait, la mise à jour économique comporte de nouvelles dépenses de 5,5 milliards en 2019-2020 et presque autant l’année suivante pour un total de 15,7 milliards d’ici 2022-2023.
Du coup, les budgets fédéraux s’écriront à l’encre rouge pour aussi loin que
le ministère des Finances fait des projections.
Pourtant, l’ampleur des déficits aurait pu être bien moindre. La mise à jour économique démontre en effet que la vigueur de l’économie canadienne apportera au Trésor fédéral des sommes imprévues totalisant 22,3 milliards pendant la même période de cinq ans. N’eussent été les nouvelles dépenses, le déficit aurait été de 14,2 milliards cette année (contre 18,1 milliards en réalité), de 12,5 milliards en 2019-2020 (contre 19,6 milliards) et de 7,9 milliards en 2022-2023 (contre 12,6 milliards).
Outre les mesures d’aide au journalisme (voir autre texte ci-bas), les nouvelles dépenses fédérales comprennent l’injection de 800 millions dans un Fonds stratégique pour l’innovation, dont 100 millions seront réservés à l’industrie forestière, et la création d’un fonds de finance sociale de 805 millions sur 10 ans.
La finance sociale consiste en des investissements dans des projets à répercussion sociale ou environnementale promettant néanmoins un rendement financier. Puisque les prêts seront remboursables, Ottawa s’attend à ce que le coût réel du programme ne soit que de 121 millions sur cinq ans.