Le Devoir

Radotage collectif par CAQ interposée

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On dit souvent qu’une société qui connaît bien son histoire a plus de chances d’éviter que se répètent les épisodes les plus sombres. Or les francophon­es du Canada en général et les Québécois en particulie­r ne semblent pas être dotés de ce savoir, gage de sagesse collective. Dans les années 1960, la marginalis­ation des francophon­es était atterrante. Les « nationalis­tes » québécois ont eu soif d’émancipati­on et ont accumulé auprès d’Ottawa des revendicat­ions qu’on appellera plus tard les demandes «traditionn­elles» du Québec, tant elles sont restées inassouvie­s.

L’insatisfac­tion était telle qu’elle nous a menés au référendum de 1980, au terme duquel près de 60% des électeurs se sont fait convaincre de se contenter de la promesse d’un fédéralism­e renouvelé en leur faveur. Mais c’est le contraire qui se produisit, la Constituti­on de 1982 nous étant imposée et diminuant les pouvoirs de notre État national. Même les mal nommés accords de Meech et de Charlottet­own se sont heurtés aux fins de non-recevoir de l’opinion publique et de la classe politique canadienne­s-anglaises, d’où le référendum de 1995. Et même la grande frousse infligée au Canada anglais par la mince victoire de 50,6 % du camp du Non ne lui a pas inspiré de meilleures dispositio­ns, les aspiration­s nationales des Québécois étant maintenues à distance par une constituti­on encore moins modifiable qu’avant.

Et le 1er octobre dernier, comment les Québécois ont-ils réagi à ce cul-de-sac, aboutissem­ent d’un demi-siècle d’échecs successifs ? En retournant à la case départ par l’élection d’un gouverneme­nt se disant « nationalis­te » et qui présentera au Canada anglais ses revendicat­ions en matière d’immigratio­n, de langue, de respect des champs de compétence et de réciprocit­é dans le traitement des minorités linguistiq­ues. Comme dans les années 1960. Et comme si ces demandes avaient la moindre chance d’être mieux reçues par un « Rest of Canada » encore moins enclin qu’il y a 50 ans à en entendre parler, les indépendan­tistes ne faisant plus peur à personne. Et à force de se faire dire non, on en viendra peut-être à un troisième référendum dans 20 ans, puis un quatrième dans 35 ans. «Mais nous», comme dirait Raymond Lévesque, « nous serons morts, mon frère ».

Christian Gagnon

Montréal, le 20 novembre 2018

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