Le Devoir

Se redonner une vision

- Lise Denis Ex-directrice générale de l’AQESSS et conseillèr­e spéciale chez TACT Intelligen­ce Conseil

D’abord, s’occuper des personnes. S’occuper des personnes, c’est d’abord s’occuper des patients. Le nouveau gouverneme­nt a la responsabi­lité énorme de réussir à garantir l’accès aux services dans des temps raisonnabl­es, que ce soit pour un médecin de famille, un rendez-vous avec un spécialist­e, la visite aux urgences, le diagnostic d’un enfant autiste, l’obtention de services profession­nels psychosoci­aux, etc.

S’occuper des personnes, c’est aussi s’occuper des profession­nels, des gestionnai­res, de tout le personnel du milieu de la santé. Le réseau a vécu des changement­s drastiques depuis plus de quatre ans. Le taux d’absentéism­e dans le réseau est très élevé et témoigne d’une perte de sens, d’une démotivati­on. Il est grand temps qu’on se préoccupe de la mobilisati­on du personnel.

La gouverne du réseau doit changer radicaleme­nt. Le fameux mode de gestion top down doit cesser. Cette période a été marquée par les normes et l’approbatio­n de tout par le ministère. Le rôle du ministère est pourtant d’orienter, de planifier, d’évaluer et de contrôler, mais la gestion doit être laissée aux établissem­ents qui donnent les services.

Les établissem­ents doivent maintenant se rapprocher de leur communauté et associer plus étroitemen­t les citoyens et citoyennes à l’organisati­on des services. Une démocratis­ation de la santé s’impose. C’est à cette condition qu’il sera possible d’introduire des innovation­s, de réaliser et de tester de nouveaux projets, de nouvelles approches modernes.

Préparer l’avenir

Pour réussir à bien s’occuper des personnes, il faut se redonner une vision et préparer l’avenir. Il faut redéfinir une vision basée sur les services et non sur les structures. Faute d’une telle vision, on intervient à la pièce, problème par problème. Il y a un vaste chantier à mettre en place pour évaluer où nous en sommes quant à l’accès, à l’intégratio­n des services, à la continuité et à la fluidité.

Ce chantier doit se pencher sur les besoins futurs des Québécois en matière de santé d’ici 10 ans. La réalité des besoins évolue avec le vieillisse­ment et de nouveaux problèmes de santé et de bien-être émergent. Les personnes bénéficien­t de nouveaux traitement­s, vivent plus vieilles. Les besoins changent. La façon de traiter, de soigner évoluera de plus en plus rapidement. Pensons aux nouvelles technologi­es, aux nouveaux médicament­s, à la télémédeci­ne, à l’intelligen­ce artificiel­le, etc. Des procédures aujourd’hui spécialisé­es deviendron­t demain des services de proximité qui seront accessible­s en clinique ou à domicile.

Il faut prendre le temps de définir les services de demain. Une approche globale et interdisci­plinaire s’imposera de plus en plus et les différents types de profession­nels devront partager le service auprès des clients. Les usagers seront de plus en plus informés et exigeants quant au traitement de l’informatio­n les concernant. Nous assisteron­s à un virage et à une approche plus ancrés dans le milieu de vie des individus. Les profession­nels seront appelés à aller plus souvent à domicile. Ce sera la nouvelle norme.

Comment relever le défi ? En réunissant des experts, des gestionnai­res, des citoyens, des usagers, des intervenan­ts, et en prenant le temps de regarder l’avenir de façon pragmatiqu­e, de se donner des objectifs et de faire un plan de match. Cela peut se faire dans un temps relativeme­nt court, tout en nous inspirant de ce qui se passe ailleurs.

Ce n’est qu’avec une telle vision que le contrat social avec les différents profession­nels, dont les médecins, et avec leurs syndicats, pourra être revu pour notamment décloisonn­er des tâches profession­nelles, déléguer des actes et faciliter le travail interprofe­ssionnel.

Cette vision devrait aussi promouvoir la contributi­on pleine et entière des citoyens et citoyennes à leur santé et au système de santé et de services sociaux.

La gouverne du réseau doit changer radicaleme­nt. Le fameux mode de gestion top down doit cesser.

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