Des pressions pour qu’EDC abandonne le pétrole |
Sa stratégie financière est incompatible avec la lutte contre les changements climatiques, selon des groupes environnementaux
Compte tenu des impératifs de la lutte contre les changements climatiques, des groupes environnementaux suggèrent au gouvernement fédéral d’interdire à Exportation et développement Canada (EDC) d’offrir des appuis financiers au secteur pétrolier et gazier, lesquels ont atteint 62 milliards de 2012 à 2017.
Cette somme est nettement supérieure aux appuis financiers de 5 milliards allongés aux technologies propres sur la même période, selon un rapport publié par le groupe Oil Change International avec quelques partenaires, dont Équiterre.
Bon an mal an, EDC, une société d’État fédérale chargée d’appuyer les entreprises exportatrices, offre environ 10 milliards sous diverses formes à l’industrie pétrolière et gazière, selon les auteurs du rapport rendu public mercredi. Par exemple, EDC, qui propose entre autres des prêts et des garanties de prêts, a récemment été impliquée dans le montage financier déployé par Ottawa pour acquérir l’oléoduc Trans Mountain.
Or, le gouvernement Trudeau s’est présenté volontiers à la Conférence climatique de 2015 et s’est prononcé pour une stratégie visant à combattre les changements climatiques, mentionne le rapport. Malgré cela, le document souligne que les appuis financiers d’EDC à l’égard du secteur des hydrocarbures ont légèrement augmenté lors des deux premières années du gouvernement Trudeau comparativement aux deux dernières de Stephen Harper. Les auteurs s’interrogent aussi sur le fait qu’« en moyenne », 30 % des appuis d’EDC au secteur des hydrocarbures vont aux activités « intérieures » plutôt qu’au soutien à l’exportation.
« Le maintien de cette aide financière publique est tout à fait incompatible avec l’engagement pris par le Canada dans le cadre de l’Accord de Paris, et s’inscrit en rupture avec l’élan qui pousse l’ensemble de la communauté financière internationale à dissocier les flux financiers des combustibles fossiles en faveur des énergies propres », écrivent les auteurs du rapport.
Les technologies propres ont reçu 1,5 milliard en appuis financiers, le plus gros montant à ce jour, selon le rapport annuel de 2017 d’EDC.
Réduire les émissions
L’objectif du Canada consiste à essayer de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, par rapport au niveau de 2005. Cela s’inscrit dans un but collectif visant à limiter à 2 degrés la hausse de la température, ou à 1,5 degré si possible.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a estimé au mois d’octobre dernier qu’il faudrait réduire de 80 % le recours au pétrole d’ici 30 ans. Les énergies renouvelables devraient alors composer de 65 à 80% des sources énergétiques pour combler les besoins.
Si Ottawa a salué les conclusions du GIEC en disant vouloir «atteindre ou dépasser nos objectifs de l’Accord de Paris », ce qui veut dire « en faire plus », des groupes environnements et des experts du monde universitaire ont estimé que le Canada n’est pas sur la bonne voie. Entre autres parce qu’il pose des gestes incohérents avec ses objectifs et son message, comme le rachat du pipeline Trans Mountain.
Le changement du mandat d’EDC — fondée en 1944 pour aider les sociétés canadiennes à exporter vers l’Europe, alors ravagée par la guerre — nécessiterait un amendement législatif. D’autres organismes ont déjà posé des gestes. La Banque mondiale a annoncé lors du One Planet Summit à Paris, en décembre 2017, qu’elle arrêterait de financer des projets « en amont » des secteurs pétrolier et gazier après l’an prochain. Elle faisait toutefois une exception pour les pays « les plus pauvres », à condition que les projets favorisent « indéniablement l’accès à l’énergie » et qu’ils soient conformes aux engagements des pays vis-à-vis de l’Accord de Paris.
Le Devoir a contacté le cabinet du ministre de la Diversification économique, Jim Carr, afin de savoir comment il entend réagir.
Outre Oil Change International et Équiterre, les groupes ayant participé au rapport sont l’Institut international du développement durable, Environmental Defence Canada, le Réseau action climat Canada et Above Ground.