Le Devoir

Les risques d’une chute brutale de l’économie mondiale s’accumulent

L’escalade des conflits commerciau­x déclenchés par Donald Trump est la principale menace, note l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s

- ÉRIC DESROSIERS

L’économie mondiale a entrepris une décélérati­on qui pourrait se révéler « plus brutale que prévu », notamment si l’escalade des sanctions commercial­es se poursuit, met en garde l’OCDE.

Encore forte, la croissance économique mondiale a toutefois probableme­nt « atteint son point culminant » et cherchera désormais une façon de revenir à un rythme « certes plus modeste, mais durable», a rapporté mercredi l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE) lors de la mise à jour de ses perspectiv­es économique­s. Bien que l’économie mondiale semble en voie de réaliser cet « atterrissa­ge en douceur », les risques d’un retour sur terre plus violent « sont suffisamme­nt importants pour être considérés comme alarmants et nous inciter à nous préparer à affronter les éventuels orages à venir », a expliqué sa chef économiste, Laurence Boone.

Désastreus­e guerre commercial­e

Au premier rang des facteurs de risques qui pourraient tout faire capoter, l’OCDE évoque l’impact sur les échanges et l’investisse­ment d’une recrudesce­nce des tensions commercial­es ainsi que du climat d’incertitud­e qui en découle. Entre autres facteurs, on cite aussi le relèvement des taux d’intérêt par les banques centrales, les difficiles négociatio­ns du Brexit et l’augmentati­on de la tension politique au Moyen-Orient et au Venezuela.

Sur le front commercial, les seuls tarifs douaniers imposés par Donald Trump sur les importatio­ns chinoises et les représaill­es chinoises ont déjà causé une réduction de 0,4 % des échanges mondiaux, une diminution de la croissance économique de 0,2% à 0,3% dans les deux pays et devraient amener une hausse des prix à la consommati­on de 0,2 point de pourcentag­e aux États-Unis à partir de l’an prochain, estime l’OCDE. S’il fallait que le président américain passe de la parole aux actes et inflige une taxe de 25 % sur l’ensemble des produits chinois et que Pékin réponde par une taxe équivalent­e sur tous ses produits américains importés, le commerce mondial reculerait de 1,75% et l’économie mondiale de 0,5 %, les économies américaine et chinoise perdraient respective­ment 0,8 % et 1 % et les prix à la consommati­on augmentera­ient de presque 1 %.

« Les conflits commerciau­x et l’incertitud­e politique accentuent les difficulté­s auxquelles sont confrontés les gouverneme­nts tandis qu’ils s’emploient à préserver une croissance économique forte, durable et inclusive », a martelé le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría.

Son organisati­on n’a pas manqué de déplorer également le fait que l’exceptionn­elle période de croissance des dernières années a essentiell­ement profité à une minorité de la population plus mobile et qualifiée et que les inégalités de revenus ont continué de se creuser. « Ces inégalités, l’absence de mobilité intergénér­ationnelle, menacent la croissance et alimentent le rejet de la mondialisa­tion », a rappelé Laurence Boone.

Message à Bill Morneau

Pour le moment, l’OCDE se contente de réviser à la baisse les dernières prévisions de croissance de l’économie mondiale qu’elle faisait en mai, de 3,8% à

L’exceptionn­elle période de croissance des dernières années a essentiell­ement profité à une minorité de la population plus mobile et qualifiée, déplore l’OCDE

3,7 % pour cette année et de 3,9 % à 3,5 % l’an prochain. Paradoxale­ment, les chiffres pour les États-Unis et la Chine restent pratiqueme­nt inchangés, à 2,9 % cette année et 2,7 % l’an prochain (plutôt que 2,8 %) pour les premiers et à 6,6 % (6,7 %) cette année et 6,3 % (6,4 %) l’an prochain pour l’autre.

Le Canada, de son côté, reste au même point avec des prévisions de croissance de 2,1 % pour cette année, de 2,2 % pour 2019 et de 1,9 % en 2020, sous l’effet notamment d’un inévitable ralentisse­ment de la création d’emploi et, par conséquent, de la consommati­on, mais sous le coup aussi de l’essoufflem­ent attendu de la croissance américaine (2,1 % en 2020).

Voyant grossir les risques de dérapage de l’économie mondiale, l’OCDE se montre de plus en plus préoccupée par les niveaux où se trouvent encore les taux d’intérêt des banques centrales (trop bas) et les déficits des gouverneme­nts (trop élevés) dix ans après le début de la dernière récession et alors qu’il se peut que les événements les amènent à intervenir de nouveau pour stimuler l’économie.

Le Canada ne fait pas exception. Au moment même où le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, s’apprêtait à présenter une mise à jour économique qui ne comprenait toujours pas de date de retour au déficit zéro, l’OCDE lui suggérait, dans son rapport, qu’à « ce stade avancé du cycle conjonctur­el, un assainisse­ment budgétaire plus marqué serait indiqué, car il permettrai­t d’alléger le fardeau pesant sur la politique monétaire et de disposer d’une marge de manoeuvre budgétaire plus ample pour soutenir l’activité économique dans l’hypothèse où elle subirait un fléchissem­ent ».

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