Le Devoir

Des élections sous influence étrangère

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Les agences de renseignem­ent canadienne­s préparent le terrain en vue de l’élection fédérale l’an prochain. Le Canada ne sera pas épargné de l’ingérence électorale qu’ont subie les ÉtatsUnis et d’autres pays d’Europe. Et les instances gouverneme­ntales somment les citoyens de s’en prévaloir.

«Il est fort probable que les Canadiens fassent l’objet d’activités malveillan­tes d’influence en ligne en 2019 », statue un rapport du nouveau Centre canadien pour la cybersécur­ité. « On s’attend à ce que les auteurs de cybermenac­es parrainés par des États tentent de mener à bien leurs objectifs stratégiqu­es nationaux en ciblant les opinions des Canadiens. »

Cette désinforma­tion a déjà commencé, rappelle le Centre, en citant les gazouillis de trolls russes qui s’étaient répandus sur la Toile à la suite de la fusillade de la mosquée de Québec ou ceux qui portaient sur l’arrivée de migrants à la frontière. « Les opinions des Canadiens demeurent une cible alléchante pour les auteurs de cybermenac­es qui cherchent à influencer le processus démocratiq­ue du Canada », note le document publié jeudi.

Il s’agit cependant du deuxième avertissem­ent du genre en moins d’une semaine de la part d’agences généraleme­nt reconnues pour leur grande discrétion. Mardi, le patron du Service canadien du renseignem­ent de sécurité (SCRS), David Vigneault, soulignait que l’ingérence étrangère et l’espionnage posent désormais « la plus grande menace pour notre prospérité et nos intérêts nationaux ».

« Ils sont essentiell­ement en train de dire que cela va se produire et ils mettent les Canadiens en garde dès maintenant», constate Stephanie Carvin, qui est analyste en sécurité nationale et professeur­e adjointe à l’Université Carleton.

La menace est impossible à contrer complèteme­nt en amont, reconnaît le Centre canadien pour la cybersécur­ité (CCC). Puisque ces menaces changent constammen­t, les espions canadiens tentent surtout d’anticiper les prochaines. Et il leur est impossible de contrôler toute la désinforma­tion publiée sur Internet. « Il y a des choses que l’on valorise dans une démocratie, comme la communicat­ion libre et ouverte, fait valoir le directeur du CCC, Scott Jones. Cela va se poursuivre. Et ça veut dire que nous serons toujours vulnérable­s si nous ne nous protégeons pas. »

Stephanie Carvin reconnaît que les agences de renseignem­ent ne peuvent pas faire grand-chose de plus. « Il y a des limites aux pouvoirs que vous pouvez et voulez donner aux agences de sécurité nationale. Je ne voudrais quand même pas que tous nos gazouillis aient à être approuvés par le Centre de la sécurité des télécommun­ications. »

Le CCC enjoint donc aux citoyens d’être vigilants, en ne prenant pas toujours au mot l’informatio­n qu’ils trouvent sur Internet. Le Centre travailler­a de son côté à protéger l’infrastruc­ture électorale, avec Élections Canada.

Scott Jones n’a pas voulu préciser quels pays menaçaient le plus le processus électoral canadien. Il a cependant évoqué « les régimes totalitair­es dont l’objectif est de miner la démocratie et de semer la discorde dans les sociétés démocratiq­ues ».

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