Le Devoir

Une mesure au profit des propriétai­res

Uniformise­r les taux de taxe scolaire coûtera 900 millions, soit 30% plus cher que prévu en campagne électorale

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ À QUÉBEC

L e projet de loi déposé par le gouverneme­nt Legault pour adopter un taux unique de taxes scolaires pourrait coûter jusqu’à 30 % plus cher que prévu, a reconnu jeudi le ministre des Finances. Celui-ci ne peut autrement garantir que les locataires profiteron­t de cette mesure.

« L’effet direct est pour les propriétai­res, c’est indéniable, a dit le ministre Eric Girard en point de presse. Nous visons un effet indirect [sur] les loyers : peut-être moins de hausse, ou une baisse… »

Ce sont en effet les propriétai­res du Québec — qui se trouvent en plus forte concentrat­ion dans les circonscri­ptions caquistes, montrent des données croisées par Le Devoir (voir encadré) — qui bénéficier­ont du projet de loi 3. D’ici quatre ans, il n’y aura qu’un seul taux de taxation scolaire à travers le Québec, et celui-ci sera arrimé au plus bas taux en vigueur actuelleme­nt (10,54 sous par tranche de 100 $ d’évaluation foncière). Il est jusqu’à trois fois supérieur présenteme­nt.

Baisse de loyer

Eric Girard a dit souhaiter jeudi que les économies faites par les propriétai­res soient reflétées dans le prix des loyers. Ses adversaire­s politiques le trouvent passableme­nt candide. « Des baisses de loyer par les propriétai­res, c’est quelque chose qu’on ne voit jamais », selon la députée péquiste Véronique Hivon.

« On s’attend au minimum à ce qu’il y ait un mot d’ordre du gouverneme­nt qui dit aux propriétai­res : “On compte sur vous pour faire une certaine redistribu­tion”, a ajouté le solidaire Vincent Marissal. Mais c’est illusoire de penser que ça va arriver. »

Le gouverneme­nt promet de dédommager les commission­s scolaires à 100 % pour les pertes de revenus engendrées. Évaluée à 700 millions durant la campagne électorale, la mesure pourrait plutôt coûter à terme quelque 900 millions, a indiqué Eric Girard jeudi. « Mes estimés se sont nettement raffinés depuis que je suis entouré » des fonctionna­ires du ministère, a-t-il fait valoir.

C’est là un élément du projet de loi qui inquiète la présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Catherine Harel Bourdon. « Quelle assurance avons-nous que le gouverneme­nt, si l’économie va moins bien et que les surplus actuels ne sont plus là, va continuer à payer sa part ? » demande-t-elle.

La Fédération des commission­s scolaires du Québec craint la même chose. « Les 900 millions dont on parle, c’est autant d’argent qui ne va pas pour d’au- tres investisse­ments », ajoute Mme Harel Bourdon.

Le projet de loi supplanter­a la loi que le gouverneme­nt Couillard avait fait adopter en mars 2018 et qui établissai­t un taux uniforme de taxation, mais seulement à l’intérieur d’une même région. « C’est l’iniquité [des taux] entre les régions qui est le facteur clé » justifiant cette réforme, a avancé Eric Girard jeudi.

Le ministère de l’Éducation déterminer­a le taux de taxation applicable dans chaque commission scolaire (et non plus dans chaque région). Ce taux est établi en fonction des besoins de ces commission­s. Les propriétai­res ne paieront que le taux plancher, et Québec compensera la différence.

Pour connaître les détails de fonctionne­ment précis, il faudra toutefois attendre. « Le projet de loi n’est pas spécifique sur les mécanismes, il va y avoir des consultati­ons prébudgéta­ires», a indiqué Eric Girard.

Précipité

Les partis d’opposition n’ont pas manqué de relever la précipitat­ion avec laquelle le gouverneme­nt Legault a voulu présenter ce projet de loi.

« Je lui aurais fortement suggéré de refaire ses analyses, de consulter et de nous déposer un projet de loi bien mieux ficelé dans six mois », a notamment lancé le critique libéral en matière de finances, Carlos Leitão.

À ses yeux, le projet de loi ne représente « pas une réduction du fardeau fiscal ».

«[La baisse] sera compensée par des revenus qui proviennen­t du fonds consolidé. Ça sort d’une poche [des contribuab­les] et ça rentre dans l’autre poche. »

Les taxes scolaires servent notamment au financemen­t du transport scolaire, du chauffage, des dépenses d’entretien et de gestion des établissem­ents.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le ministre des Finances, Eric Girard, a dit souhaiter que les économies faites par les propriétai­res soient reflétées dans le prix des loyers.

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