Le Devoir

Le Québec en bonne posture pour affronter une récession

- FRANÇOIS DESJARDINS

Bien qu’il soit impossible de prédire l’arrivée du prochain ralentisse­ment ni même sa cause — le pétrole ou les ÉtatsUnis ? —, les finances publiques du Québec sont bien placées pour affronter un passage à vide, selon les observateu­rs.

En publiant sa mise à jour économique cette semaine, le ministère des Finances du Québec a pris soin d’inclure le manque à gagner qu’il vivrait dans le cas d’une récession : 8,1 milliards sur cinq ans. Est-il prématuré de parler d’une contractio­n de l’économie ? Peutêtre. Mais le consensus des observateu­rs tourne pour l’instant autour d’un argument commun : le Québec est relativeme­nt bien placé pour affronter la prochaine tempête.

« Globalemen­t, le Québec a adopté une approche équilibrée, prudente quand même», dit la directrice de l’Institut du Québec, Mia Homsy, dont le groupe de recherche a publié cet été une analyse des finances publiques à la lumière d’un prochain choc.

« La position relative du Québec par rapport aux autres, en matière d’endettemen­t, s’est améliorée, dit Mme Homsy. Quand on va devoir faire des déficits, on va partir d’une situation qui est plus avantageus­e que ce qu’elle était avant la dernière récession. »

Cela dit, le scénario du ministère lui semble optimiste. Dans son analyse, l’Institut du Québec a estimé que le coût global d’une récession « modérée» se situerait entre 10 et 15 milliards. « La dernière récession n’a pas été si forte au Québec et elle a quand même coûté 15 milliards», dit Mia Homsy.

Les surplus

Après des années de contrôle serré des dépenses ayant mené à de vives critiques dans la société civile, la croissance économique des deux dernières années a donné lieu à des surplus importants dans les coffres de Québec. Pour l’exercice 2017-2018, les coffres affichent un excédent de 2,6 milliards, selon la dernière mise à jour, soit 1,7 milliard de plus que ce qui était prévu il y a seulement six mois. Il y aurait aussi un surplus de 1,7 milliard en 2018-2019.

La CAQ compte alléger la charge fiscale des Québécois d’environ 1,7 milliard sur cinq ans, selon ce qu’elle a confirmé cette semaine. De 2018 à 2021, l’économie devrait croître de 2,5 %, 1,8 %, 1,5 % puis 1,3 % respective­ment. Quant à la dette, le remboursem­ent accéléré que compte effectuer la CAQ en 2019 — comparativ­ement à un paiement équivalent mais étalé sur cinq ans chez les libéraux — entraînera des économies d’intérêt de 248 millions cette année et de 201 millions l’an prochain. Le ratio de la dette brute par rapport au PIB, un indicateur suivi, descendra plus vite que prévu et passera de 51 % en 2017 à 42 % en 2023.

« Sur le plan budgétaire, ça va bien. On enregistre des surplus quand même importants. Même les surplus qui sont observés après les versements au Fonds des génération­s », dit Jean-Pierre Aubry, économiste associé au Centre interunive­rsitaire de recherche en analyse des organisati­ons (CIRANO). « Ça va aider à absorber le choc. Sans compter la réserve de stabilisat­ion d’environ 8 ou 9 milliards. »

La question demeure toutefois de pouvoir dire d’où viendra le choc. « Est-ce que ça va être comme en 2015 et 2016, quand la chute du prix du pétrole [a causé] une récession au Canada alors que le Québec s’en [est] assez bien tiré ? demande l’économiste en chef du Mouvement Desjardins, François Dupuis. Ou si ça va être plus classique, comme les États-Unis qui augmentent leur taux directeur et cassent leur économie ? Là, on l’attraperai­t par le commerce. »

La marge de manoeuvre de Québec et la réserve de stabilisat­ion permettrai­ent de traverser une « récession assez bonne », pense François Dupuis. Même le gouverneme­nt fédéral, qui n’entrevoit pas la fin imminente de ses propres déficits, a encore de l’espace pour s’ajuster, car ils affichent un niveau « quand même assez faible » par rapport à la taille de l’économie canadienne. Les six prochaines années, y compris 2018-2019, vont générer des déficits de 95 milliards.

D’ici deux ans et demi

La discussion autour d’une prochaine récession aux États-Unis, attendue quelque part en 2020 ou 2021, a commencé il y a quelques mois et ne cesse de s’intensifie­r. Certains observateu­rs se demandent même si Donald Trump sera le premier président depuis Jimmy Carter à solliciter un deuxième mandat alors que le pays se trouve en récession.

Un tel événement peut survenir rapidement, rappelle Jean-Pierre Aubry. « Ç’a toujours été difficile de prédire qu’une récession s’en vient et de prédire quels secteurs seront touchés, à quel moment, avec quelle profondeur, dit Jean-Pierre Aubry. C’est comme le début d’une grève. On ne sait pas comment ça va finir. »

Quand on va devoir faire des déficits, on va partir d’une situation qui est plus avantageus­e que ce qu’elle était avant la dernière récession MIA HOMSY

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