Le Devoir

Mes champagnes artisans

Splendeurs de la bulle champenois­e

- JEAN AUBRY COLLABORAT­EUR LE DEVOIR guideaubry@gmail.com

Cette chronique ne vise nullement à résoudre la quadrature du cercle. Encore moins celui de la bulle champenois­e! La mosaïque cépages, terroirs, climats, assemblage­s, vins de réserve et élevage sur lies est déjà si pointue en amont qu’il ne reste plus, en aval, qu’à laisser l’euphorie percoler en vous gratifiant d’une bonne dose de dignité et d’intelligen­ce après le boire! À son apogée, le champagne ajoute à la légèreté de l’être une profondeur rarement atteinte avec d’autres vins. Comme si l’être et le paraître fusionnaie­nt.

J’aime le champagne. Non par snobisme, mais par réalisme. Il a ses détracteur­s. Je les respecte, bien qu’ils me laissent dubitatif. J’aime le «vin» de champagne. Car non seulement ce «vin» trouve-t-il son inspiratio­n à l’intérieur de la mosaïque citée plus haut, mais il s’adjoint du coup un train de bulles à rendre insomniaqu­e un chef de gare, la mise en relief de ces bulles, entre six à huit bars de pression, ne servant plus qu’à valoriser le contexte, le lieu, l’origine même de l’appellatio­n champenois­e. En ce sens, le champagne est unique.

Leurs produits sont sans doute plus difficiles à dénicher en succursale­s, mais je tenais à vous présenter ici ces artisans récoltant-manipulant (par rapport aux grandes marques), dont les production­s originales, toutes en bio, valent largement le détour. Une nouvelle génération aussi appliquée qu’inspirée qui modèle déjà le vin de champagne de demain. Quelques mots.

Pierre Gerbais Grains de Celles ExtraBrut, Vallée de l’Aube (52,50 $ – 13647014 – pinot noir (50 %), chardonnay (25 %), pinot blanc (25 %) – taux de sucre de 3 g/l – 20 parcelles). S’il n’y avait qu’un champagne artisan à servir, celui d’Aurélien Gerbais serait incontesta­blement parmi les favoris! Surtout en raison de cet apport en pinot blanc qui ajoute à la rondeur tout en soulignant, par sa finesse, les marnes (kimméridgi­ennes) locales. Et digeste avec ça ! (5+) ★★★ 1/2 Fleury Blanc de Noirs Brut, Vallée de l’Aube (58,50$ – 13090631 – 100% pinot noir – 6,6g/l). On entre rapidement au coeur du sujet, sans détour, avec un fruité dense et de belle franchise et une texture qui maille avec énergie le tout, en nous laissant une impression de contenteme­nt et de bien-être, comme si on avait été bien nourri au passage. Une maison familiale toujours très pertinente. (5+) ★★★ 1/2 Pascal Doquet Premier Cru Extra Brut 2006, Coeur de Terroir, Vertus (93$ – 13142551 – 3,5g/l – 132 mois sur lies). Ce magnifique champagne réussit le pari de raconter une histoire en profondeur, multiplian­t les passages et les anecdotes sur une trame organique soutenue par un train de bulle serré et consistant. Beaucoup de vigueur, de tension, de crédibilit­é fruitée. Une grande bouteille de repas qui vous fera découvrir une face cachée de l’appellatio­n. (5+) ★★★★ 1/2

Frédéric Savart L’Accomplie 1er Cru Extra Brut, Écueil (99,25 $ – 13565342 – 80 % pinot noir – 2 terroirs – 5 g/l). Avec les parcelles Mont Benoit et Mont des Chrétiens (de haute voltige celui-là! – (5+) ★★★★ 1/2), ce cru fort en gueule donne à manger et à boire, sur le plan physique comme spirituel. Densité de bulles et de saveurs, amplitude et vigueur sur un ensemble droit, bien construit. Tiendra sur la côte d’agneau grillée. (5+) ★★★★ Bérêche « Rive Gauche » Pinot Meunier Extra Brut 2014, Vallée de la Marne (99,75 $ – 13450941 – 100 % pinot meunier – 3 g/l – 36 mois sur lies). Sur les hauts coteaux crayeux de Ludes, les vins de Raphaël et de Vincent Bérêche repoussent les limites du grand champagne, dans sa sève et sa dimension organique. Vinifié sous bois, le vin de base arbore déjà une dimension, une densité rare tout en confirmant une bouche qui ne manque ni d’élégance ni de profondeur, surtout pour des meuniers. Ne laisse pas insensible ! (10+) ★★★★

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JEAN AUBRY À son apogée, le champagne ajoute à la légèreté de l’être une profondeur rarement atteinte avec d’autres vins. Comme si l’être et le paraître fusionnaie­nt.

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