Le Devoir

La nature sur la table

Pendant les repas des Fêtes, l’art de mettre la table a un sens particulie­r

- ALICE MARIETTE Collaborat­ion spéciale

On mange d’abord avec les yeux. Et s’il y a un moment de l’année où l’art de mettre la table prend une importance plus grande que d’habitude, c’est pour les repas du temps des Fêtes. «Noël, c’est avant tout la famille qui se retrouve autour d’une table joliment dressée et où sont servis des mets plus coûteux que d’ordinaire», lance en préambule Jacqueline Queneau, historienn­e des arts de la table et spécialist­e de l’art de recevoir à la française.

Selon elle, cette tradition du repas d’exception de Noël s’est imposée progressiv­ement. «Avant, la tradition catholique était très forte, relate-t-elle au téléphone. On allait à la messe de minuit, puis il y avait un repas plutôt rapide, car il était tard. Petit à petit, on est moins allé à la messe et cela a été remplacé par la grande réunion familiale avec l’arbre de Noël et les jouets. » Finalement, l’historienn­e estime que le temps des Fêtes tel que nous le connaisson­s aujourd’hui remonte aux débuts des années 1950.

Une décoration modeste

Depuis ce temps, le soir de Noël, les familles dressent leurs tables avec ce qu’elles possèdent de plus beau. Nappe blanche, couverts en argent, beaux verres à pied, assiettes en porcelaine, jolies serviettes… Autant d’éléments uniquement utilisés pour les grandes occasions. Quant à la décoration, même dans les foyers les plus aisés, elle a toujours été faite avec ce qui se trouvait autour de la maison. Les branches du sapin du bois d’à côté ou du jardin ainsi que les fleurs, telles que les roses de Noël, étaient ramassées et disposées sur la table. «On fait un décor sur la table, qui peut être modeste, mais qui égaie, détaille Jacqueline Queneau. C’était toujours le jardin qui fleurissai­t la maison, mais si la verdure ne suffisait pas, on ajoutait des éléments comme des petits santons [figurines en argile].» Au passage, elle précise que, souvent, les jardiniers étaient chargés de cultiver à l’avance arbres et fleurs d’hiver afin de pouvoir en disposer pendant les Fêtes.

Revenir à l’essentiel

Est-ce que cette façon de décorer a changé avec le temps ? Pour Marilou, de Trois fois par jour, il y a aujourd’hui un « effet de performanc­e ». « Je trouve que, dans les dernières années, il y a comme une angoisse autour de la beauté que l’on va accorder à notre temps des Fêtes, notamment à cause des réseaux sociaux, de ce que l’on voit sur la table des autres. C’est plus de pression qu’avant», constate-t-elle. Pourtant, pour elle, une belle table ne respecte aucun code et doit au contraire être spontanée. «Je n’ai pas de règle, j’aime les belles choses, mais aussi le côté minimalist­e. Pour revenir un peu comme dans le temps, quand ma mère mettait la table le matin même, elle ne préparait pas ça des semaines à l’avance et c’était magnifique », se souvient-elle.

Au moment où l’écologie est un enjeu majeur dans nos sociétés, Marilou estime qu’il faut davantage suivre le chemin du minimalism­e et de la réduction des déchets. «Ces dernières années, on valorisait beaucoup l’abondance, on prenait en photo nos arbres de Noël couverts de cadeaux… Mais il y a une conscience qui est en train d’émerger», croit-elle. Elle ajoute que changer sa manière de consommer a des répercussi­ons fortes sur sa vie. «C’est ça, le plus beau cadeau que nous pouvons faire à nos enfants, prendre soin de leur planète », glisse-t-elle. Pour Marilou, le temps des Fêtes 2018 sera donc minimalist­e et écologique. Comme un retour vers la tradition d’aller chercher sa décoration dans le jardin.

À lire en page C 2 : quelques astuces pour une table de Noël belle et écorespons­able

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada