Les humoristes en fête
Le vingtième gala aura rempli sa promesse d’une soirée sans controverse
François Bellefeuille, Louis-José Houde et Maude Landry (notre photo) sont sortis grands gagnants de la 20e édition des Olivier, dimanche soir. Le gala annuel vise à récompenser les humoristes s’étant le plus illustrés au cours de la dernière année. Lisez le compte rendu de notre journaliste Dominic Tardif en
Petit bisou sur l’épaule. Petit bisou sur le front. Les animateurs Pierre Hébert et Philippe Laprise avaient promis de tout faire pour ne pas générer de controverses. Il fallait sans doute voir dans ces chastes baisers que s’offraient ces amis de toujours pendant leur numéro d’ouverture un appel à la camaraderie, mais aussi la caution de toutes ces blagues insolentes que des circonstances plus douces permettaient enfin.
Ces imprévisibles annus horribilis que furent 2016, à la suite du retrait d’un numéro de Mike Ward, et 2017, dramatiquement obscurcie par l’affaire Rozon, pouvaient finalement céder la place à ce réjouissant asticotage entre collègues – le ton des bien-cuits – ayant fait la marque des meilleurs dix-neuf précédents galas Les Olivier. Les rires généreux de Maxim Martin, rudement taquiné d’entrée de jeu au sujet de son légendaire passé de noceur, encapsulaient à eux seuls l’autodérision retrouvée de la communauté du rire.
La controverse aurait difficilement pu émerger du choix des lauréats, une succession d'évidences et de décisions aussi consensuelles que tout à fait défendables, à commencer par les deux trophées de Louis-José Houde et les trois de François Bellefeuille.
Avec Le plus fort au monde, son second spectacle, l'hirsute ex-vétérinaire atténuait la folie de son personnage d'éternel mal luné pour mieux révéler l'homme sympathique se cachant derrière ses lunettes d'ahuri, bien que sans rogner sur le coefficient rires par minute. Son couronnement à titre de Metteur en scène de l'année (partagé avec MarieChristine Lachance, hors d'ondes), ainsi que dans les prestigieuses catégories Spectacle d'humour de l'année et Olivier de l'année (un vote populaire sur le web), témoigne du respect que génère le comique autant chez ses pairs, que chez la critique et le public.
Quant à celui qui Préfère novembre, ses triomphes en tant qu’Auteur de l’année/Spectacle d’humour (avec François Avard) et pour le Spectacle d’humour/Meilleur vendeur de l’année cimentent son titre d’indélogeable souverain des Olivier, désormais propriétaire de dix-neuf de ces statuettes cuivrées.
« Olivier Olivier »
Des restaurants baptisés Pizza Pizza ? Bon, d’accord, ça passe: des pizzas doubles, ça existe, après tout. Mais des magasins Manteau Manteau ? À quel étrange raisonnement répond cette bégayante raison sociale ? Maude Landry nous pardonnera d’ainsi piètrement paraphraser la conclusion d’un numéro qu’elle présentait en février 2018 à La soirée est (encore) jeune, « Les choses pas logiques », aujourd’hui estampillé Capsule ou sketch radio humoristique de l’année. Rien de pas logique là-dedans, au contraire : rarement moment de radio aura-t-il autant donné l’impression d’assister à la naissance d’une aussi éblouissante voix comique.
Et si la compétition s’avérait très relevée dans la catégorie Découverte de l’année, rien de «pas logique» non plus dans le choix du jury et des membres de l’APIH (Association des professionnels de l’industrie de l’humour), qui faisait de Maude Landry la deuxième femme à être sacrée meilleure petite nouvelle (depuis Katherine Levac, en 2015). Double récolte donc – Olivier Olivier – pour cette fille spirituelle de Claude Meunier et de Daria, qui étrenne depuis quelques mois son premier spectacle solo dans les cabarets et bars de la métropole. Bravo bravo.
Le rire dans la continuité
« Podcast humoristique de l’année » : c’est le nom de la catégorie récompensant depuis l’an dernier les artisans du grouillant monde du balado. Une récompense que l’APIH pourrait rebaptiser le prix « Mike Ward – Vodka – Coke Diète », tant le vétéran domine cet écosystème grâce à son émission Sous
écoute, durant laquelle il ne manque jamais d’enfiler quelques verres. Qu’il s’incline aurait été aussi choquant que si L’âge adulte, portrait doux-amer de la famille comme ultime et pénible repaire, n’avait pas été sacrée Série Web humoristique de l’année pour une deuxième année de suite.
Écrivons-le une fois pour toutes : ces catégories télé ressemblent à de vaines tentatives de conférer, à peu de frais, du lustre à une soirée qui en manque parfois. Qu’ils récompensent au final d’authentiques humoristes, comme ceux de la bande de Like-moi, (Comédie télé de l’année), ou Martin Petit (Série télé humoristique de l’année, pour Les pêcheurs), préserve pour le mieux la logique d’un gala célébrant… des humoristes !
Combien de litres d’eau Simon Gouache sue-t-il sur scène ? Le récit de son initiation au cross-fit – sacré Numéro d’humour de l’année – est en tout cas une implacable épreuve d’humour physique, autant pour l’homme sur scène que pour son public, très sollicité des abdominaux et des muscles maxillo-faciaux.
Le seul réel vol de ce dimanche incombe à Guy Jodoin, gagnant de l’Olivier de la Capsule ou sketch web humoristique de l’année pour Guyves reçoit… dans lequel le populaire animateur prête sa voix à une acariâtre marionnette, cousine des Muppets, tenant la barre d’un talk-show. La victoire revenait pourtant à Ève Côté et à MarieLyne Joncas pour leurs Conseils des
Crues, succès viral ayant réenchanté la blague grivoise et d’ivrogne. Souhaitons-leur d’avoir trouvé consolation, pendant la fête d’après-gala, au fond des nombreux verres de rouge.
La controverse aurait difficilement pu émerger du choix des lauréats, une succession d'évidences et de décisions aussi consensuelles que tout à fait défendables, à commencer par les trophées de François Bellefeuille et de Louis-José Houde