Le Devoir

Le tarmac de l’aéroport de Montréal plus pollué que le centre-ville |

Des chercheurs de l’Université McGill découvrent une grande concentrat­ion de nanopartic­ules contenant des métaux nocifs à Montréal-Trudeau

- PAULINE GRAVEL

On s’est longtemps préoccupé du bruit que l’aéroport de Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal générait pour les résidents des quartiers avoisinant­s, mais c’était oublier la pollution de l’air.

Une étude effectuée par des chercheurs de l’Université McGill met cette fois en évidence la présence d’une grande concentrat­ion de particules fines de contaminan­ts dans l’air qui se répandent vraisembla­blement au-delà de l’aéroport. Une observatio­n préoccupan­te étant donné qu’il a été démontré que l’exposition à de hauts niveaux de nanopartic­ules est nocive pour la santé.

La détection de telles nanopartic­ules contenant des métaux dits émergents, puisqu’ils n’ont pas été décelés souvent jusqu’à récemment et qu’ils sont potentiell­ement délétères pour la santé humaine et l’écosystème, a été rendue possible grâce à des appareils à la fine pointe de la technologi­e qui permettent non seulement de mesurer la densité d’aérosols dans l’air, mais également la taille des particules, leur compositio­n chimique et leur morphologi­e.

Durant l’été 2017, l’équipe de Parisa Ariya, du Départemen­t de chimie de l’Université McGill, a ainsi effectué des mesures sur des passerelle­s donnant accès aux avions stationnés sur le tarmac de l’aéroport internatio­nal Montréal-Trudeau ainsi que près de la porte d’entrée des départs de l’aérogare.

Les données obtenues ont ensuite été comparées aux mesures prises sur le campus de l’Université McGill dans le centre-ville de Montréal aux heures de pointe.

Sur le tarmac, les scientifiq­ues ont mesuré un nombre total de particules de toutes les tailles atteignant 2,0 x 106 par cm3, soit un nombre dix fois plus grand qu’au niveau de l’entrée des départs de l’aérogare. Les mesures relevées à ces deux endroits de l’aéroport se sont également avérées significat­ivement plus élevées que celles prises dans le centre-ville de Montréal en plein coeur du trafic le plus dense de la journée, où les concentrat­ions maximales ne dépassaien­t pas un ordre de grandeur de 104.

La majorité des particules décelées à l’aéroport étaient des nanopartic­ules de taille inférieure à 200 nanomètres (10– 9 m). « Or, la concentrat­ion des particules s’accroît d’un facteur 107 lorsque la taille des particules décroît de 10 microns à 10 nanomètres », soulignent les auteurs de l’étude dans un article qui sera publié prochainem­ent dans la revue scientifiq­ue Environmen­tal Pollution.

Nombre de ces nanopartic­ules contenaien­t des métaux, tels que du fer, du zinc, du nickel et du plomb, qui, à cette taille nanométriq­ue, sont considérés comme des contaminan­ts émergents.

Le fait que les concentrat­ions maximales de nanopartic­ules aériennes ont été mesurées aux heures de grande affluence du trafic aérien, au moment où les concentrat­ions de monoxyde de carbone (CO) sont également les plus élevées puisque ce dernier est généré par la combustion ayant lieu dans les moteurs d’avion, suggère fortement que les particules nanométriq­ues sont, elles aussi, produites par les moteurs d’avion, avancent les chercheurs.

Néanmoins, les groupes auxiliaire­s de puissance (APU) qui alimentent la tension électrique, les pressions hydrauliqu­e et pneumatiqu­e, voire la climatisat­ion à bord des avions pendant que leurs moteurs sont à l’arrêt, constituen­t une autre importante source de pollution sur le tarmac.

Effets sur la santé humaine

Les chercheurs rappellent par ailleurs que les nanopartic­ules aériennes d’un diamètre inférieur à 100 nanomètres sont reconnues pour nuire à la santé humaine.

« La toxicité des particules qui se déposent dans les poumons tend à s’accroître à mesure que la taille des particules diminue », précisent-ils.

Les métaux émergents que plusieurs d’entre elles contiennen­t comportent également d’importants risques « potentiels » pour la santé de l’écosystème et des humains.

«De plus amples recherches sont donc nécessaire­s pour étudier et comprendre les transforma­tions physiques, chimiques et biologique­s des métaux émergents contenus dans ces nanopartic­ules aériennes », transforma­tions qui peuvent survenir sous diverses conditions environnem­entales, par exemple en présence de neige et de glace.

Compte tenu du grand nombre de personnes qui travaillen­t à l’aéroport et de passagers (16,6 millions annuelleme­nt) qui y défilent, les chercheurs insistent sur l’importance de procéder à de nouvelles études visant à évaluer l’impact des concentrat­ions de nanopartic­ules qui y sont générées sur la santé des personnes qui fréquenten­t l’aéroport, mais aussi sur celle des personnes qui habitent les quartiers résidentie­ls environnan­ts.

Les chercheurs rappellent que les nanopartic­ules aériennes d’un diamètre inférieur à 100 nanomètres sont reconnues pour nuire à la santé humaine

 ??  ??
 ?? ISTOCK ?? Les scientifiq­ues ont mesuré dix fois plus de particules sur le tarmac de l’aéroport Montréal-Trudeau qu’à l’entrée des départs de l’aérogare.
ISTOCK Les scientifiq­ues ont mesuré dix fois plus de particules sur le tarmac de l’aéroport Montréal-Trudeau qu’à l’entrée des départs de l’aérogare.

Newspapers in French

Newspapers from Canada