Le Devoir

Une mesure favorable à une plus grande équité fiscale

- Gilles Bergeron Économiste Saguenay

L’éditorial [« Uniformisa­tion de la taxe scolaire : une mesure régressive»] paru dans Le Devoir du 13 décembre 2018 sur le projet de loi 3, «Loi visant l’instaurati­on d’un taux unique de taxation scolaire », fait une large place aux critiques formulées sur la place publique par les partis politiques d’opposition et certains acteurs sociaux. Il en résulte un portraitch­arge qui néglige la contributi­on essentiell­e de cette nouvelle loi.

L’uniformisa­tion de la taxe scolaire est d’abord une mesure favorable à une plus grande équité sur l’ensemble du territoire québécois. L’enjeu premier est de faire en sorte que la taxe scolaire respecte le principe de l’équité à savoir que tous les contribuab­les québécois paient un même montant pour une maison évaluée à la même valeur. La taxe scolaire actuelle est inéquitabl­e du fait que les citoyens de certaines régions paient un compte de taxe scolaire trois fois plus élevé que ceux d’autres régions pour une maison de valeur équivalent­e. L’éditorial du Devoir y voit davantage une mesure pour respecter une promesse électorale de mettre de l’argent dans les poches des contribuab­les, tout en reconnaiss­ant que c’est « un enjeu d’équité fiscale que la CAQ n’a pas manqué d’exploiter à fond et avec un certain succès ».

L’éditorial reprend à son compte le reproche voulant que le projet « prive les commission­s scolaires, c’est-à-dire les écoles, de revenus appréciabl­es, alors que la Coalition avenir Québec a promis de dépenser davantage en éducation ». Il reconnaît toutefois par la suite que les commission­s scolaires seront compensées par des revenus tirés des autres sources de taxation comme les impôts et la taxe de vente, de sorte que le reproche perd sa pertinence. Il est cependant vrai que la baisse de cette taxe, comme de toute autre taxe, prive le gouverneme­nt de revenus qui auraient pu être utilisés autrement. C’est un choix politique.

Un autre reproche au projet de loi est de diminuer les revenus autonomes des commission­s scolaires. Dans le contexte actuel de leur gouvernanc­e et du fait que les revenus de la taxe scolaire représente­nt à peine 12 % de leurs revenus et varient d’une commission scolaire à l’autre, le projet de loi permettra de mettre plus de cohérence dans le système de financemen­t des commission­s scolaires.

À qui profite cet allégement du fardeau fiscal? La question est pertinente. L’éditorial affirme que les propriétai­res les mieux nantis dont les résidences commandent une valeur foncière élevée vont en profiter davantage. De plus, une partie des locataires n’en profitera pas ; s’ils en profitent, ce sera en moins, compte tenu de la valeur des résidences en location, de sorte que c’est une mesure régres- sive. Une autre lecture est possible. La baisse de la taxe scolaire va bénéficier aux propriétai­res et aux locataires qui contribuen­t davantage au financemen­t de cette taxe injuste. Les propriétai­res et les locataires qui étaient les plus pénalisés vont en profiter davantage. Il ne s’agit pas d’une mesure régressive, mais d’une mesure de correction d’une injustice fiscale. Des mesures seront cependant nécessaire­s pour s’assurer que les locataires bénéficien­t de cette baisse de taxe.

L’uniformisa­tion de la taxe scolaire va également profiter à l’économie des régions dont le dynamisme démographi­que et économique est le plus faible, car c’est dans ces régions que le taux de la taxe scolaire est le plus élevé compte tenu des règles actuelles du gouverneme­nt du Québec, qui déterminen­t le montant de la taxe scolaire. C’est une loi qui va contribuer à un meilleur équilibre du développem­ent sur le territoire québécois, les baisses de taxes contribuan­t au dynamisme du marché local et à la création d’emplois dans ces régions.

S’il y a un reproche à faire quant à cette loi, c’est que l’on prenne quatre ans pour réaliser sa mise en oeuvre. Il est inacceptab­le qu’une situation injuste perdure aussi longtemps. De plus, la mise en oeuvre sur le plan administra­tif sera beaucoup plus complexe et difficile. Enfin, les critiques que nous entendons aujourd’hui reviendron­t lors de chaque présentati­on du budget, de sorte que l’uniformisa­tion de la taxe scolaire risque d’être un projet qui ne verra pas le jour. Ceux qui croient en la pertinence de cette loi devraient se mobiliser pour en accélérer la mise en oeuvre.

L’auteur a été professeur au Départemen­t des sciences économique­s et administra­tives de l’Université du Québec à Chicoutimi pendant plus de 35 ans et vice-recteur à l’administra­tion et aux finances de l’UQAC de 1998 à 2003.

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