Le Devoir

Trump tente de discrédite­r les démocrates

- JESSICA NADEAU

Sous pression pour dénouer la crise budgétaire qui paralyse le pays depuis maintenant trois semaines, le président américain, Donald Trump, tente de renverser la vapeur et de jeter l’opprobre sur les démocrates qui refusent de financer son mur, en donnant un visage humain à ce qu’il appelle la « crise humanitair­e et de sécurité nationale » à la frontière.

Donald Trump s’est rendu jeudi à McAllen au Texas, à la frontière mexicaine, pour une table ronde sur l’immigratio­n et la sécurité frontalièr­e à laquelle participai­ent de nombreux agents frontalier­s, responsabl­es de la sécurité et autres élus locaux.

Dans une mise en scène savamment étudiée, mettant bien en évidence des paquets d’amphétamin­es, d’héroïne, d’armes et de billets d’argent saisis par les agents frontalier­s aux points d’entrée du pays, le président a répété l’importance d’avoir un mur pour faire diminuer la criminalit­é au pays, et ce, même si une fonctionna­ire qui présentait des photos du travail à la frontière a indiqué au passage qu’ils venaient de découvrir, tout près de l’endroit où ils étaient réunis, un tunnel de 25 pieds de long utilisé par des trafiquant­s qui ont trouvé une façon de passer malgré le mur qui existe déjà dans ce secteur.

Pendant cet exercice de relations publiques, diffusé en direct sur le site de la Maison-Blanche, le président a parlé des ravages de la drogue et de la traite humaine, des enfants et des femmes qui sont « des victimes » et affirmé que la constructi­on du mur permettrai­t de réduire de 90 % le trafic de la drogue et des personnes. Rappelons que plusieurs ont indiqué plus tôt cette semaine que la très grande majorité de la drogue qui entre aux États-Unis passe par les points d’entrée officiels et non par les points d’entrée illégaux, où le président veut construire son mur.

Des familles en deuil

« Il y a un shutdown parce que les démocrates refusent de financer la sécurité frontalièr­e, c’est aussi simple que ça, a répété le président. Leur programme de frontière ouverte compromet la sécurité de toutes les familles américaine­s, y compris les millions de familles de migrants légaux d’un bout à l’autre du pays. »

Pour illustrer ses propos et humaniser son combat, Donald Trump a mis en avant des témoignage­s poignants de familles de victimes tuées, selon leurs dires, par des migrants illégaux. « Quand ils [ses opposants] parlent du fait que c’est injuste [pour les immigrants qui veulent venir aux États-Unis], personne ne parle de l’injustice qui est faite aux familles des victimes de ces meurtres brutaux. Et il y en a eu des milliers, ces dernières années », a affirmé le président avant de donner la parole au frère d’une victime, assis à sa droite.

« La façon dont mon frère est mort, ce que ma famille vit en ce moment, je veux qu’aucune autre famille ait à subir ça, a affirmé, la voix nouée par l’émotion, Reggie Singh. Quoi qu’il faille mettre en oeuvre pour faire diminuer ça, pour y mettre un frein, ma famille le soutient entièremen­t. »

Assise de l’autre côté de l’immense table de réunion, Maria Vega était elle aussi au bord des larmes en parlant de son fils, assassiné lors d’un événement familial. « Nous avons besoin du mur, a-t-elle plaidé. Pas juste d’une constructi­on, mais nous avons besoin de renforcer les lois de l’immigratio­n. »

Donald Trump a fait référence à leur douleur à maintes reprises lors de cette rencontre. Il s’est montré plein d’empathie, les a félicités, les a pris dans ses bras. « Votre frère et votre fils ne seront pas morts en vain », a-t-il soutenu.

Il est même allé chercher l’appui d’un pasteur local, qui a mis l’accent sur la « crise humanitair­e » et les souffrance­s vécues par les migrants illégaux, affirLa mant que les crimes commis par cette catégorie de gens sont sous-rapportés. « En tant que pasteur hispanopho­ne, dans ce coin de pays, je connais leur souffrance. Je connais aussi votre coeur compatissa­nt et votre authentici­té. Merci, Monsieur le Président, de vouloir mettre fin à cette souffrance au sud de la frontière. »

Crise fabriquée ?

Le président a tenté de démontrer que la crise de sécurité nationale à la frontière n’avait pas été inventée de toutes pièces, comme plusieurs l’affirment depuis quelques jours. «Mes opposants disent que c’est une crise “fabriquée”. C’est tout ce que j’entends, sur toutes les chaînes. Tout le monde semble s’être donné le mot pour parler de crise fabriquée. Ce sont des médias de fake news », a-t-il martelé avant d’ajouter : « Ce n’est pas une crise fabriquée. Ce qui est fabriqué, c’est l’utilisatio­n du mot “fabriqué”. »

Autour de la table, tout un chacun ou presque a repris l’expression pour la ridiculise­r. « Ce n’est pas le statu quo, il y a une crise, a soutenu la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kirstjen Nielson. Et ceux qui se mettent la tête dans le sable et qui parlent d’une crise fabriquée, ce n’est pas seulement une insulte à ceux qui ont perdu des êtres chers, c’est une insulte à tous les Américains. »

Le président en a profité pour répondre à ceux qui disent que construire des murs est une solution digne de l’époque médiévale : « Ils disent qu’un mur est médiéval? Les roues le sont tout autant ! Les roues sont encore plus vieilles que les murs. Et j’ai regardé: toutes les voitures, même les plus luxueuses, ont toutes des roues. Certaines choses fonctionne­nt : une roue fonctionne, et un mur fonctionne. »

À son arrivée à l’aéroport, des partisans l’attendaien­t avec leurs casquettes rouges sur lesquelles on pouvait lire « Make America Great Again ». Selon Associated Press, plusieurs centaines de manifestan­ts étaient également sur place pour témoigner de leur opposition à la constructi­on d’un mur frontalier.

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BRENDAN SMIALOWSKI AGENCE FRANCE-PRESSE À McAllen au Texas, le président américain, Donald Trump, a attribué aux démocrates la responsabi­lité de la fermeture partielle du gouverneme­nt.
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ERIC GAY ASSOCIATED PRESS Il n’y avait pas que des partisans pour accueillir Donald Trump à McAllen, Texas.

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