Un scandale qui perdure
Cela fera bientôt trois ans que le système de paye Phénix et la centralisation du traitement de la paye de plus de quarante ministères fédéraux plongent dans l’incertitude financière des dizaines de milliers de fonctionnaires. Le gouvernement fait état de progrès, mais ils sont nettement insuffisants. Dans son dernier budget, le gouvernement a annoncé le remplacement du système de paye Phénix, une opération qui prendra du temps. D’ici là, il faut continuer de verser leurs salaires aux quelque 300 000 fonctionnaires fédéraux. Il serait temps qu’on le fasse correctement.
Plus de la moitié de ces employés connaissent des problèmes, certains depuis deux ou trois ans. Certains ont été privés de leur salaire pendant des semaines, voire des mois. D’autres ont reçu des paiements en trop. Plusieurs n’ont pas été payés pour leurs heures supplémentaires ou ont reçu des relevés d’emploi ou d’impôt erronés… Il n’est pas rare, dans la capitale fédérale, de rencontrer un fonctionnaire qui hésite à prendre sa retraite, à accepter une promotion ou à prendre un congé sans solde par crainte de voir son dossier de paye dérailler et sa santé financière, être compromise.
Dès la première phase de l’implantation du système Phénix et de la centralisation du traitement de la paye en février 2016, on a vu les ratés. Alerté par les syndicats, le gouvernement a quand même procédé à la seconde et dernière phase en avril 2016. Avec les retombées malheureuses que l’on connaît. Selon le rapport publié par le gouvernement le 27 décembre 2018, le Centre des services de la paye de la fonction publique dénombrait 283 000 transactions de paye à traiter en surplus de sa charge normale de travail. (Un employé peut avoir plus d’une transaction en attente.) Douze mois plus tôt, le nombre de transactions en attente était de 367 000.
Il y a donc eu progrès, mais l’arriéré demeure encore inacceptable, et le gouvernement est lent à déployer des solutions qu’il sait pourtant efficaces. Inspiré par les ministères qui ont toujours gardé leur équipe de traitement de la rémunération et qui ont eu moins de problèmes, Ottawa a mis sur pied des équipes spécialisées dans trois des quarante-six ministères relevant du Centre des services de la paye et de ses bureaux satellites.
En un an, les « mouvements en attente » ont diminué de 39 % dans les ministères participants, ce qui a incité à étendre l’expérience aux autres ministères touchés, rapportait Radio-Canada la semaine dernière. Mais vingt-deux attendent toujours. Le gouvernement promet que tous auront une équipe d’ici mai prochain. Espérons maintenant qu’il tiendra parole, et plus rapidement que prévu.
Le gouvernement reste en revanche muet sur l’indemnisation des fonctionnaires dont la santé ou la situation financière a été ébranlée. Un des rares engagements pris n’a pas été respecté. On promettait dans le budget 2018 de revoir la loi qui exige des fonctionnaires payés en trop qu’ils remboursent non seulement la somme reçue, mais aussi les taxes salariales payées en trop par l’employeur. Rien n’a bougé sur ce front.
L’Alliance de la fonction publique du Canada veut qu’on mette fin à cette pratique, qu’on indemnise les fonctionnaires pour les dommages financiers et psychologiques causés et qu’on tienne une véritable enquête publique sur cette affaire. Et elle compte bien maintenir la pression jusqu’aux élections et demander des comptes durant celle-ci. On ne peut le lui reprocher.
Le gouvernement a embauché du personnel supplémentaire, mais ce n’est visiblement pas suffisant. Bien que complexe, la stabilisation du système de paye prend trop de temps à se matérialiser et ce sont les fonctionnaires qui écopent. Des employés que le gouvernement semble encore réticent à dédommager, alors qu’il devrait l’avoir fait depuis un bon moment déjà.