Le salon de Detroit s’ouvre sur fond d’incertitude
Les bénéfices et les ventes de voitures devraient commencer à se contracter
La hausse des taux d’intérêt et le ralentissement de l’économie mondiale vontils enrayer le crédit auto ? Les tensions commerciales sont-elles là pour durer ? Le salon automobile de Detroit s’ouvre lundi dans un climat d’incertitude pour un secteur affecté par la flambée des coûts de l’acier et de l’aluminium.
C’est la première fois depuis 2009, année de la faillite de General Motors et de Chrysler, que l’automobile est prise dans un tourbillon d’inconnues. En vrac, il y a l’éventuelle disparition des berlines et citadines en Amérique du Nord, l’envolée des prix de l’acier et de l’aluminium, conséquence de la guerre commerciale que se livrent la Chine et les États-Unis — les deux premiers marchés automobiles au monde —, et le ralentissement économique mondial, principalement de l’économie chinoise, qui coïncide avec la remontée des taux d’intérêt américains.
Les experts s’interrogent aussi sur les conséquences sur les ventes de voitures du renchérissement du coût du crédit pour les consommateurs et de la hausse actuelle des prix des véhicules. Les subventions fédérales accordées aux voitures électriques ont fortement diminué, GM et Ford sont en pleine restructuration, tandis que le niveau très élevé des stocks de Fiat Chrysler inquiète pour sa part les marchés financiers.
Après une série de revers, dont des accidents mortels, et une réglementation qui se fait encore attendre, l’euphorie générée par le développement de la voiture autonome, promise sur les routes dès 2020 par un grand nombre de constructeurs et de géants de la Silicon Valley, s’est évaporée.
« Ce qui va être le consensus lors de ce salon de Detroit […], c’est que les bénéfices et les ventes vont commencer à se contracter cette année », estime Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley. Par conséquent, « ce ne serait pas une surprise de voir certains constructeurs réévaluer la pertinence de certaines usines », affirme Jessica Caldwell, chez Edmunds.com.
GM a déjà fait part de fermetures d’usines et de suppressions d’emplois et pourrait annoncer de nouvelles mesures d’économies. Ford devrait lui emboîter le pas dans les prochaines semaines après avoir décidé de mettre fin à la production de berlines et de citadines aux marges faibles. Il pourrait fermer des usines aux capacités sousutilisées et supprimer des dizaines de milliers d’emplois à travers le monde, avance Adam Jonas.
Ford sous pression
Laminé en Bourse, des ventes en berne, en retard dans les voitures autonomes et électriques, le constructeur américain Ford tente de reprendre la main avec une vaste restructuration comprenant des milliers de suppressions d’emplois en Europe et une alliance stratégique imminente avec l’allemand Volkswagen. La marque à l’ovale bleu a annoncé jeudi une réorganisation de ses activités européennes et une possible réduction de la production de modèles populaires comme la Fiesta, la Focus et la Mondeo.
Aux États-Unis, le groupe a déjà cessé de produire berlines et citadines pour économiser 11 milliards de dollars. Et, malgré les invectives du président Donald Trump, il pourrait fermer des usines en sous-capacités dans les prochains mois, avance Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley. Des mesures d’économies sont également prévues en Chine et en Amérique latine, deux marchés où il souffre, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
La volonté de transformation de Ford survient au moment où le secteur automobile est en pleine mutation sous l’effet du développement de la voiture autonome et l’accélération vers l’électrique du fait des déboires et du désamour pour le diesel. Ces deux technologies, très coûteuses, demandent soit de nouvelles usines, soit une modernisation complète de celles existantes. Le boom de l’autopartage et du covoiturage pourrait indiquer en outre que les groupes automobiles devront réduire leur production à l’avenir.
Outre engager des économies, Ford a décidé de joindre ses forces à celles de Volkswagen, sous la forme d’une alliance stratégique, pour rester un acteur de premier plan. Selon une source proche du dossier, ce partenariat, qui va clore de longs mois de discussions entre les deux parties, portera sur le développement de la voiture autonome, les véhicules utilitaires et électriques. Ford envisage aussi de renforcer son partenariat avec l’indien Mahindra.
Ce ne serait pas une surprise de voir certains constructeurs réévaluer la pertinence de certaines usines
JESSICA CALDWELL