Santé Canada maintient sa décision contestée
L’autorisation restera en vigueur pour les 15 prochaines années
Santé Canada fait fi des objections formulées par plusieurs groupes de défense de l’environnement et de la santé, chercheurs universitaires et professionnels de la santé à l’égard de la décision de maintenir pour une période de quinze ans l’approbation du glyphosate, l’ingrédient actif de l’herbicide Roundup produit par Monsanto. Lors d’une séance d’information technique tenue vendredi, les responsables de la réévaluation finale du glyphosate à l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada ont déclaré n’avoir trouvé «aucune preuve scientifique» aux préoccupations soulevées dans les avis d’objection qui lui ont été soumis.
Dans le cadre du procès intenté contre Monsanto par un jardinier américain atteint d’un cancer découlant de son exposition au glyphosate, des documents confidentiels appartenant à la compagnie ont été divulgués et rendus publics en ligne dans ce qu’on appelle les « Monsanto Papers ». Ces documents internes montrent que plusieurs études présentées par Monsanto à Santé Canada pour obtenir le renouvellement de son approbation auraient été manipulées par la compagnie afin de préserver la réputation d’innocuité de son herbicide. Ces révélations ont alors poussé différents groupes d’individus à soumettre à la ministre fédérale de la Santé des avis d’objection à la décision de maintenir l’homologation du glyphosate à la suite de la réévaluation de cet herbicide par l’ARLA qui s’est terminée en avril 2017. Les signataires de ces avis faisaient part de leurs inquiétudes quant à la qualité et la crédibilité des études scientifiques ayant été utilisées par l’ARLA pour justifier la reconduction de l’approbation du glyphosate, et ils réclamaient une nouvelle réévaluation par un comité d’experts indépendants, c’est-à-dire ne faisant pas partie de l’agence gouvernementale.
Pressé de répondre aux avis d’objections qui lui ont été adressés, Santé Canada a demandé à « 20 de ses scientifiques qui n’avaient pas participé à la réévaluation de 2017 » d’examiner les objections soulevées dans les avis afin de décider s’il y donnerait suite.
Les fonctionnaires de Santé Canada ont affirmé hier n’avoir relevé dans les avis d’objection aucun élément remettant en cause « le fondement scientifique de la décision à laquelle ils étaient arrivés au terme de la réévaluation de 2017 ».
« Notre décision est en accord avec celles de tous les organismes de réglementation des pesticides similaires à l’ARLA à travers le monde. Aucun autre organisme d’évaluation dans le monde ne juge que le glyphosate pose un risque pour la santé humaine, y compris un risque cancérigène aux doses auxquelles la population canadienne est exposée », a répété Frédéric Bissonnette, directeur de la gestion de réévaluation à l’ARLA.
Ecojustice, qui regroupe l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Équiterre, la Fondation David Suzuki, Environmental Defence et Prevent Cancer, est très déçue de la réponse de non-recevoir de Santé Canada à son avis d’objection. «Mais nous sommes déterminés à poursuivre notre enquête afin de trouver d’autres preuves des pratiques frauduleuses de Monsanto afin de déterminer l’étendue de l’influence de cette société sur la décision de l’ARLA»,a affirmé au Devoir Annie Bérubé, directrice des relations gouvernementales chez Équiterre. « Nous passerons en revue toutes les études scientifiques qu’a utilisées l’ARLA pour prendre sa décision. Ces études sont confidentielles, mais l’ARLA devrait nous accorder un droit de consultation sur place. »
Louise Vandelac et Marie-Hélène Bacon, chercheuses à l’UQAM et respectivement directrice et coordonnatrice du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA), avaient également formulé un avis. « Notre objection reposait sur le fait qu’il nous apparaissait tout à fait inadmissible que, dans le cadre d’une réévaluation, Santé Canada n’a utilisé essentiellement que les documents fournis par l’industrie qui sont bien sûr conçus dans le but d’obtenir l’approbation. Moins de 1 % [du corpus utilisé] était constitué d’études scientifiques indépendantes récentes », précise Mme Vandelac.