RDC: le candidat défait Fayulu contre-attaque en justice
L’Église catholique, qui avait déployé 40 000 observateurs, avance que les résultats officiels ne correspondent pas à ses données
Bras de fer en République démocratique du Congo après la victoire de l’opposant Félix Tshisekedi à la présidentielle : Martin Fayulu, autre candidat de l’opposition déclaré perdant, affirme l’avoir emporté largement et a décidé de contre-attaquer en justice.
L’influente Église catholique en appelle de son côté à l’ONU pour faire publier les procès-verbaux du scrutin, tandis que le bilan des violences postélectorales s’est alourdi à au moins neuf morts.
Un membre de l’équipe de campagne de M. Fayulu a revendiqué vendredi la victoire avec 61 % des suffrages lors de la présidentielle à un tour du 30 décembre, qui devait désigner le successeur du président Joseph Kabila après 18 ans de pouvoir.
« Nous irons demain, samedi, à la Cour constitutionnelle» pour exiger « un nouveau dépouillement des voix », a annoncé le candidat malheureux lors d’un rassemblement à Kinshasa. La cour a huit jours pour se prononcer après le dépôt d’une demande.
Jeudi, la Commission électorale (CENI) a proclamé la victoire de l’autre opposant, Félix Tshisekedi, avec 38,57%, devant M. Fayulu (34,8 %) et le candidat du pouvoir Emmanuel Ramazani Shadary (23,8 %).
Si la Cour constitutionnelle confirme ces résultats, c’est Félix Tshisekedi, 55 ans, fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, qui succédera à Joseph Kabila, 47 ans, au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2001, élu en 2006 et réélu en 2011 lors d’un scrutin entaché de fraudes massives.
« M. Tshisekedi et le président discutent depuis 2015 ! [Tshisekedi] est totalement complice de ce putsch électoral. M. Kabila n’a aucune intention de céder le pouvoir », a accusé M. Fayulu dans un entretien avec le journal français Le Parisien.
Selon la Constitution, M. Kabila ne peut prétendre à plus de deux mandats d’affilée. Mais il a déjà envisagé de se présenter pour le prochain cycle électoral prévu en 2023.
Le bras de fer autour s’est également joué vendredi aux Nations unies.
L’Église catholique, qui affirme avoir déployé 40 000 observateurs le jour du vote, a demandé à l’ONU la publication des procès-verbaux du scrutin « pour enlever les doutes ».
« Les résultats tels que publiés ne correspondent pas aux données collectées par la mission d’observation» de la Conférence des évêques, a répété l’un de ses représentants lors d’une liaison vidéo avec le Conseil de sécurité.
Quant à la CENI, elle a exhorté le Conseil à soutenir les nouvelles autorités élues. « Pour les contentieux, il n’y a que deux options», a mis en garde son président, Corneille Nangaa, également lors d’une liaison vidéo : « Soit confirmer les résultats de la CENI, soit annuler l’élection. »
Violences
Un couvre-feu a été décrété vendredi soir dans un fief de M. Fayulu à Kikwit (ouest), où cinq personnes ont été tuées « dans l’opération de rétablissement de l’ordre public », selon la police.
Un mort a été enregistré à Goma (est). Trois miliciens ont été tués par les forces de sécurité à Tshikapa (Kasaï), fief de Félix Tshisekedi qui manifestait sa joie.
La communauté internationale continue d’accueillir avec prudence le résultat provisoire de la présidentielle dans le plus grand pays d’Afrique subsaharienne aux énormes ressources naturelles, mais marqué par de nombreux conflits internes et deux guerres entre 1996 et 2003.
Ces résultats ne sont pas « conformes », avait jugé jeudi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui, se basant sur les données de l’Église, a estimé que M. Fayulu « était a priori » le vainqueur.
L’Union européenne a demandé « la publication des procès-verbaux de chaque centre local de compilation des résultats ». Les États-Unis ont réclamé une « clarification » et exhorté toutes les parties au calme, comme l’Union africaine ou l’ONU.
Désormais, la CENI doit annoncer les résultats des élections législatives également déroulées le 30 décembre.
« La publication des résultats des législatives nationales se fera vendredi soir », a déclaré dans la journée de jeudi une porte-parole de la CENI.
Issue des élections de 2011, l’actuelle Assemblée nationale est majoritairement composée de partisans du président sortant. Et la majorité pro-Kabila revendique déjà la victoire aux législatives à partir des premières tendances.
« Cette projection électorale ouvre grande la perspective d’une cohabitation inéluctable avec le président Tshisekedi dans la gestion du pays », a déclaré un porte-parole de la majorité présidentielle. Un scénario justement dénoncé comme un arrangement par le camp Fayulu.
Selon une source étrangère, la coalition au pouvoir FCC pourrait disposer de 250 sièges sur 500, contre une centaine pour la coalition Cash autour de Félix Tshisekedi.