Le Devoir

La même approche en santé ?

- Daniel Poirier Stratford

La nouvelle ministre de la Santé, Danielle McCann, semble plutôt calme et posée, tout le contraire de son prédécesse­ur qui nous avait habitués à des sorties tout aussi intempesti­ves qu’improducti­ves.

Mais au-delà de la forme, à quoi doit-on s’attendre de la ministre ? Saura-t-elle réussir là où ses prédécesse­urs ont échoué? Sera-t-elle capable, avec l’appui de son premier ministre, d’établir entre le gouverneme­nt et les syndicats des médecins un rapport de force favorable à la mise en place de solutions efficiente­s pour régler les problèmes d’accessibil­ité aux services médicaux ?

La population s’attend à ce que ce nouveau gouverneme­nt majoritair­e fasse preuve, particuliè­rement en santé, de leadership, de déterminat­ion et de savoir-faire de sorte que les gestes qu’il posera diminueron­t significat­ivement et rapidement les temps d’attente pour :

voir un médecin de famille lorsqu’on est malade ;

voir le médecin spécialist­e auquel on nous a adressés ;

avoir accès aux examens diagnostic­s prescrits par son médecin ; recevoir un traitement ou subir une interventi­on chirurgica­le à l’intérieur de délais médicaleme­nt recommandé­s.

Pour répondre aux attentes élevées et légitimes de la population, la ministre devra faire beaucoup mieux que d’annoncer la création de cliniques d’hiver, négligeant ainsi les trois autres saisons comme s’il n’y avait pas de problèmes d’accessibil­ité durant le reste de l’année.

Examinons la première mesure mise en avant par la ministre de la Santé.

Essentiell­ement, Mme McCann nous informe que, sur une base volontaire, les médecins exerçant dans des cliniques ciblées travailler­ont un peu plus et ajusteront en conséquenc­e les heures d’ouverture de leur bureau. Cette offre additionne­lle de services sera publicisée et elle visera particuliè­rement la population affectée par la grippe ou par des problèmes de santé mineurs ne nécessitan­t pas une visite à l’urgence. Pour motiver les médecins à travailler davantage même si ce travail supplément­aire sera rémunéré à l’acte, la ministre a dû négocier avec le syndicat une sorte de prime à la grippe afin de compenser l’effort additionne­l.

Premier constat : pour améliorer l’accessibil­ité aux services médicaux, il faut que les médecins offrent plus de services en première ligne et que les infirmière­s et les pharmacien­s soient, beaucoup plus intensivem­ent que par le passé, mis à contributi­on.

Deuxième constat : contrairem­ent à ce qu’affirmait encore tout récemment le président du syndicat des médecins de famille, soit que ses membres ne pouvaient travailler davantage, force est de constater qu’avec de bons arguments financiers, plusieurs centaines de médecins exerçant dans des dizaines de cliniques le feront vraisembla­blement cet hiver.

Troisième constat : en situation de crise, personne ne peut rien exiger des médecins travailleu­rs autonomes, le gouverneme­nt se retrouve inévitable­ment en position de faiblesse devant le syndicat des médecins et on assiste à un scénario classique bien connu des équipes de négociatio­n. Le président du syndicat des médecins de famille, M. Godin, fait une offre à la ministre ou lui demande d’en faire une suffisamme­nt généreuse pour qu’il accepte de la présenter à ses membres et, s’il trouve preneurs, il en informe la ministre qui relaie la bonne nouvelle à la population sans préciser ni le coût ni le rendement attendu de la mesure. Ainsi nous apprenions que, sur l’île de Montréal, les médecins exerçant dans 25 cliniques auraient accepté que celles-ci deviennent, le temps d’une saison, des cliniques d’hiver. Une autre mesure négociée dont le coût/bénéfice sera impossible à évaluer, et ce, contrairem­ent à ce que recommanda­it la vérificatr­ice générale.

Quatrième constat : plutôt que d’acheter à prix fort des heures additionne­lles à quelques centaines de médecins qui travaillen­t déjà à temps plein, le gouverneme­nt aurait avantage à mettre à contributi­on, à moindre coût, les milliers de médecins dans la force de l’âge qui exercent actuelleme­nt à temps partiel.

Cinquième et dernier constat : l’approche traditionn­elle qui consiste à accorder au syndicat des médecins des primes en espérant améliorer de manière importante et permanente l’accès aux services médicaux n’a jamais fonctionné. Le gouverneme­nt devra innover car, s’il applique aux mêmes maux les mêmes remèdes, il obtiendra toujours les mêmes résultats décevants.

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