Fausse urgence
La paralysie du gouvernement fédéral américain imposée pour un caprice du président Donald Trump a passé vendredi le cap des 21 jours, ce qui égale un record de 1996 qui sera assurément fracassé durant le week-end. L’impasse est totale. Pas de mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, pas d’entente, martèle le président. Les démocrates ont beau jeu de le laisser s’épuiser. Les effets de la cessation des activités du gouvernement se font ressentir chez les 800 000 employés fédéraux privés de revenus. Environ 420 000 d’entre eux, occupant des fonctions jugées essentielles, sont forcés de se présenter malgré tout au travail, sans être rémunérés. En dépit de toutes les justifications de Donald Trump, qui évoque une crise humanitaire par ici, une menace à la sécurité des États-Unis par là, force est d’admettre qu’ils sont utilisés comme des pions.
Au-delà des drames humains que provoque cette paralysie, il faut ajouter au rang des conséquences directes la fragilisation des services publics, les risques sur la sécurité alimentaire et un ressac potentiel de 2,25 % sur la croissance du PIB au premier trimestre, selon les estimations de la banque JP Morgan. Et bien d’autres calamités.
Dans son premier discours à la nation, le président Trump a déploré l’existence d’une crise humanitaire fabriquée de toutes pièces. Il attise les sentiments xénophobes de la population en prophétisant une flambée de la criminalité sur tout le territoire américain. L’immigration illégale est pourtant en baisse aux États-Unis. Les immigrants ne sont pas surreprésentés dans la criminalité en prenant en considération leur poids démographique. Et il y a des moyens plus efficaces d’endiguer l’immigration illégale que ce mur.
Frustré par l’opposition de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, voilà maintenant Donald Trump réduit à évoquer, non sans confusion, la possibilité de décréter l’état d’urgence pour construire le mur, en s’appropriant des fonds d’urgence réservés en cas de catastrophes naturelles.
La crise humanitaire à la frontière est la plus grossière des « fausses nouvelles » à la sauce Trump. Hélas, sa présidence n’entre pas dans la catégorie des catastrophes naturelles contre lesquelles le peuple américain est indemnisé. Dans l’éventualité où le président décrète l’état d’urgence, il y aura une véritable crise, constitutionnelle cette fois, car il y a des limites aux couleuvres que peut avaler un État fondé sur la primauté du droit.