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Quand de petites municipali­tés se mettent d’accord pour protéger un territoire, ça fait plus d’espaces naturels pour les citoyens

- NATHALIE SCHNEIDER COLLABORAT­RICE LE DEVOIR

Au tournant des années 2000, dans l’ère de la fusion des municipali­tés, un groupe de citoyens de Mont-Tremblant se mobilise pour créer un organisme d’utilité sociale, la fiducie du Domaine Saint-Bernard. Le but: défendre l’accès public sur un lot de 595 hectares, comprenant deux montagnes (Saint-Bernard et Onontio), mis en vente par leur propriétai­re, les Frères de l’Instructio­n chrétienne. Résultat: la municipali­té de Mont-Tremblant l’acquiert avec la mission prioritair­ede protéger le territoire à perpétuité dans un contexte de développem­ent immobilier intense.

Dix-neuf ans plus tard, les résidents locaux ont toujours un accès gratuit à 80km de pistes de ski de fond, 27km de sentiers de raquettes et 3km de marche hivernale. Et durant les assemblées de la fiducie, les discussion­s vont bon train. «Le plan d’aménagemen­t de l’écoparc municipal que nous avons mis à jour cette année se concentre sur l’ouverture du territoire, mais dans les limites du moindre impact, précise Guy Pressault, président de la fiducie du Domaine Saint-Bernard. Nous menons des débats de tous les instants pour perpétuer la mission de protection face aux pressions des promoteurs.»

Une situation qui ressemble fort à celle du parc du Domaine Vert, un territoire équivalent en superficie racheté en 1984 par quatre municipali­tés des Basses-Laurentide­s: Blainville, Boisbriand, Mirabel et SainteThér­èse. Celles-ci constituen­t alors une Régie intermunic­ipale pour gérer plusieurs zones forestière­s en assemblée générale. On y compte notamment une douzaine de kilomètres de pistes pour le fatbike dans une forêt de feuillus, de conifères et de chênes, disséminée sur un terrain très accessible. Sans compter des sentiers pour le ski de fond, la raquette et même un anneau de glace. L’été, on y pratique le vélo de montagne, l’arbre en arbre, l’escalade et le tir à l’arc.

«Le Domaine Vert est le seul parc qui reste dans cette région possédant une forte densité de population, dit Joël Côté, gestionnai­re d’Arbre en arbre Mirabel. Les discussion­s sur la constructi­on de condos sont régulières!» Pour l’heure, les résidents locaux ont, eux aussi, accès gratuiteme­nt au parc, tandis que les visiteurs doivent débourser 15$ pour la journée. Cette somme, qui sert surtout à financer le damage des pistes, est aussi une façon de favoriser le plein

La mobilisati­on régionale à des fins de protection territoria­le semble devenir peu à peu la norme dans des régions où le développem­ent s’accélère

air de proximité: une meilleure qualité de vie et… moins de déplacemen­ts en voiture.

Cette mobilisati­on régionale aux fins de protection territoria­le semble devenir peu à peu la norme dans des régions où le développem­ent s’accélère. Comme dans le massif des Falaises qui s’étend dans les Pays-d’enHaut et qui renferme notamment la

réserve Alfred-Kelly, propriété de Conservati­on de la nature Canada, un organisme qui développe des programmes de conservati­on de terres privées à des fins publiques. Le comité régional pour la protection des falaises a ainsi été créé en 2003 pour pérenniser les fameux escarpemen­ts de Piedmont, Prévost et Saint-Hippolyte.

«Les activités sont permises dans ce qu’on a coutume d’appeler ici le parc des falaises, explique Ericka Thiériot, coordonnat­rice à la protection des milieux naturels pour le Comité régional pour la protection des Falaises. Mais la priorité demeure la sauvegarde du milieu, car on y trouve plusieurs espèces végétales et animales protégées par un statut provincial ou fédéral.»

On y voit notamment la grenouille des marais, la chauve-souris nordique, cendrée et argentée et le faucon pèlerin. Mais si elles ne sont pas soutenues par les deniers du comité, les activités comme la randonnée ou l’escalade de glace (sous l’égide de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade) sont permises sur le territoire à la condition pour les usagers d’adopter les règles du Sans trace. Pas d’infrastruc­tures d’hébergemen­t, certes, mais la gratuité totale y est de mise.

Des modèles inspirants

Cette gestion visionnair­e ne date pas d’hier. En 1987, déjà, une poignée de citoyens de la région de Sutton et de Mansonvill­e s’inspiraien­t du modèle américain du Land Trust. Ainsi naissait la fiducie foncière de la vallée Ruiter, un OBNL qui gère des terrains privés donnés par leurs propriétai­res dans un but de conser vation.

«Cette opération est très réglementé­e puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de programmes gouverneme­ntaux, comme le don écologique ou la servitude de conservati­on, faits auprès d’organismes reconnus, comme le nôtre, en échange de crédits d’impôt», explique Marie-Claire Planet, présidente de la fiducie foncière de la vallée Ruiter.

Selon les programmes, ces lots de terrains sont assujettis à de strictes limitation­s concernant la coupe forestière ou la constructi­on. Toujours estil que c’est bel et bien la fiducie qui agit en gardienne des lieux: «La vallée Ruiter est ouverte au public, précise Mme Planet, ce qui en fait un beau réseau quadrillé par l’accès routier. »

On y trouve des sentiers de niveau facile à intermédia­ire propices à la randonnée, au ski de fond et à l’observatio­n faunique. Des sorties encadrées proposent même de l’initiation à l’identifica­tion des traces laissées par la présence animale. Reste que, sans la mobilisati­on citoyenne, et le soutien des municipali­tés et des gouverneme­nts, ces territoire­s resteraien­t fermés au public. Tout simplement.

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ERIKA THIERIOT Escarpemen­t rocheux couvert d’une coulée de glace dans la réserve Alfred-Kelly (parc des Falaises)
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CLAUDE DUCHESNE La piste 12 dans le secteur Ouest (Domaine Vert)

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