Un voyage en ex-RDA
Sur les traces des restes matériels de l’ancienne Allemagne de l’Est
D’une certaine façon, la République démocratique allemande (RDA) est toujours vivante. Un constat qui dépasse la simple «Ostalgie» — un néologisme formé de la contraction des mots «Est» et «nostalgie» en allemand —, un état d’esprit qui était à l’oeuvre dans le film Good Bye Lenin! de Wolfgang Becker, sorti en 2003.
Tant bien que mal, les traces subsistent de la culture populaire de cet ancien pays du bloc de l’Est, avalé par la République fédérale d’Allemagne au terme de la réunification en octobre 1990, moins d’un an après la chute du mur de Berlin.
«On n’avait pas de bananes, mais on avait la sécurité sociale», racontent d’ex-citoyens du pays. Il y avait aussi — quand on pouvait s’en procurer — des automobiles Trabant, des chocolats Zetti, du café Rondo, du Vita-Cola. Des artefacts d’une culture matérielle populaire qui sont devenus depuis les symboles d’une organisation politique et sociale sans précédent qui n’a pas laissé que de mauvais souvenirs aux Allemands qui ont vécu sous ce régime.
Historien, spécialiste des questions mémorielles, l’universitaire français Nicolas Offenstadt s’est lancé il y a quelques années sur les traces des restes de la RDA, à l’affût des restes d’un passé parfois effacé dans la honte et la précipitation. Il a ainsi sillonné l’ancien pays muni de guides de voyage de l’époque, question de dépasser la perspective du folklore.
«D’une certaine manière, la RDA, aujourd’hui, est un pays de brocante», écrit-il dans Le pays disparu, le récit qu’il consacre à cette passion singulière.
Ruines industrielles, plaques de mémoire, documents à l’abandon, montagnes d’archives, objets de brocante, petits musées personnels, objets chinés sur eBay sont autant de «traces» qui forment le fil du récit et la matière du livre.
À partir de dossiers personnels, de curriculum vitae trouvés dans des marchés aux puces et chez des brocanteurs, au gré de rencontres souvent provoquées, de fil en aiguille, l’auteur entreprend ainsi de reconstituer tout un monde révolu. Un monde marqué par la dictature du parti, voué à façonner un homme nouveau et dans lequel même les objets les plus ordinaires parvenaient à témoigner autant de la «politisation du quotidien» que de la mobilisation politique permanente.
Des rues ont été débaptisées, des statues décapitées, des musées fermés ou reconvertis. L’espace public a été «nettoyé». Mais face à cet effacement, une certaine résistance s’organise, explique l’auteur. «Les élus sauvent des monuments, les militants en reconstituent, les photographes archivent les traces, les écrivains les recensent et les mettent en scène. »
À l’affût des nostalgiques, collectionneurs, entrepreneurs, l’auteur s’intéresse aux traces de l’ex-RDA dans la littérature, ainsi qu’au cinéma et à la télévision après 1990.
Avec un point de départ intéressant et de la rigueur dans la démarche, Le pays disparu demeure un récit un peu figé fait de visites et de rencontres qui, sur le papier, trouvent parfois peu de consistance. L’auteur, du reste, n’a pas su dépouiller son écriture d’une tonalité trop académique.