Gilets jaunes: une mise en garde de la FTQ
Les gouvernements doivent être à l’écoute des « laissés-pour-compte » victimes des inégalités, dit la centrale syndicale
Bien que la vague des gilets jaunes n’ait que «peu de résonance » pour le mouvement syndical québécois, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) salue le « courage » des manifestants et demande aux gouvernements d’être à l’écoute des «laissés-pour-compte» qui expriment leur révolte face à la montée des inégalités dans le monde.
« Ça a peu de résonance [pour le mouvement syndical au Québec], ça a même peu de résonance pour le mouvement syndical français. On a parlé à nos collègues [français] en décembre et même eux en perdent leur latin : c’est un ramassis de toutes sortes de revendications », a répondu Daniel Boyer, président de la FTQ, qui tenait une conférence de presse dimanche matin pour discuter des priorités de la centrale syndicale pour la prochaine année.
Mais selon M. Boyer, les revendications des gilets jaunes sont tout à fait légitimes et ont, comme point d’ancrage, un ras-le-bol généralisé. « La montée des inégalités fait en sorte qu’il y a une sorte de révolte par rapport au système économique actuel », affirme-t-il. Et cette insatisfaction ne se limite pas à la France, ajoute-t-il, rappelant que ce sont ces mêmes « laissés-pour-compte » qui ont élu le président américain, Donald Trump.
«Ce n’est pas exclu que le mouvement des gilets jaune, fasse du chemin ailleurs aussi. Il est donc important de saisir l’origine de ça, le pourquoi. C’est une frustration des gens. Et on comprend cette frustration-là. »
Au Québec et au Canada, le mouvement fait une percée timide. La page Facebook Gilets jaunes Québec compte un peu plus de 2000 membres. « Il faut être solidaires de ces mouvements-là parce qu’ici aussi, il faut combattre la montée des inégalités. On dit que le Québec est l’une des sociétés les plus égalitaires, mais on sait qu’il y a encore du travail à faire », estime Daniel Boyer.
Salaire minimum
Selon la FTQ, la réduction des inégalités passe notamment par l’augmentation du salaire minimum à 15 $, une revendication phare du mouvement syndical qui en fait l’une de « ses plus grandes priorités pour 2019 ».
Le contexte de pénurie de main-d’oeuvre lui donne par ailleurs une certaine force de levier, reconnaît M. Boyer. « On l’a dit au ministre des Finances [lors d’une rencontre] vendredi dernier : c’est le plus beau moment pour augmenter le salaire minimum à 15 $ pour la simple et bonne raison que la situation économique est intéressante. »
La centrale syndicale entend également mettre davantage de pression sur le gouvernement afin d’instaurer un régime public et universel d’assurance médicaments. « Le régime à deux têtes, privé-public, qui a cours au Québec ne répond clairement pas aux besoins actuels et cause des injustices graves à une grande partie de la population. Ce n’est pas normal que près de 9 % de la population ne prenne pas ses médicaments en raison des coûts. »
Transition énergétique
La FTQ demande également au gouvernement de faire de la lutte contre les changements climatiques une priorité et l’exhorte à se doter d’un plan pour entamer la transition énergétique, afin de minimiser les impacts sur les travailleurs.
« Il ne faut pas que les travailleurs fassent les frais de la nouvelle économie, a plaidé Daniel Boyer. On représente des gens dans le pétrole, on sait que ça n’existera plus dans 30 ans, mais c’est maintenant qu’il faut prévoir un plan pour les gens qui travaillent dans les raffineries. »
Même chose pour les travailleurs des cimenteries, un secteur qui émet beaucoup de gaz à effet de serre. « Les employés sont conscients qu’ils ne pourront pas continuer à produire du ciment de la façon dont ça se fait actuellement […] Nos gens sont conscients que ça va arriver et ils ne veulent pas se faire dire une semaine avant : “on ferme la shop parce qu’on n’est plus capables de vendre nos affaires, on émet trop de gaz à effet de serre, trouvez-vous une autre job ailleurs”. Non. On sait que ça va arriver et c’est maintenant qu’il faut s’en préoccuper. »
En cette année électorale, la FTQ fait des revendications similaires aux partis politiques fédéraux. « Le plus gros reproche qu’on peut faire au gouvernement actuel, c’est d’avoir tenu un discours très environnementaliste lors de la dernière campagne électorale, mais quand tu achètes un pipeline, c’est un petit peu contradictoire. On s’attend à ce que le gouvernement pose des gestes un peu plus concrets que des discours. »