Le Devoir

Gilets jaunes: une mise en garde de la FTQ

Les gouverneme­nts doivent être à l’écoute des « laissés-pour-compte » victimes des inégalités, dit la centrale syndicale

- JESSICA NADEAU

Bien que la vague des gilets jaunes n’ait que «peu de résonance » pour le mouvement syndical québécois, la Fédération des travailleu­rs du Québec (FTQ) salue le « courage » des manifestan­ts et demande aux gouverneme­nts d’être à l’écoute des «laissés-pour-compte» qui expriment leur révolte face à la montée des inégalités dans le monde.

« Ça a peu de résonance [pour le mouvement syndical au Québec], ça a même peu de résonance pour le mouvement syndical français. On a parlé à nos collègues [français] en décembre et même eux en perdent leur latin : c’est un ramassis de toutes sortes de revendicat­ions », a répondu Daniel Boyer, président de la FTQ, qui tenait une conférence de presse dimanche matin pour discuter des priorités de la centrale syndicale pour la prochaine année.

Mais selon M. Boyer, les revendicat­ions des gilets jaunes sont tout à fait légitimes et ont, comme point d’ancrage, un ras-le-bol généralisé. « La montée des inégalités fait en sorte qu’il y a une sorte de révolte par rapport au système économique actuel », affirme-t-il. Et cette insatisfac­tion ne se limite pas à la France, ajoute-t-il, rappelant que ce sont ces mêmes « laissés-pour-compte » qui ont élu le président américain, Donald Trump.

«Ce n’est pas exclu que le mouvement des gilets jaune, fasse du chemin ailleurs aussi. Il est donc important de saisir l’origine de ça, le pourquoi. C’est une frustratio­n des gens. Et on comprend cette frustratio­n-là. »

Au Québec et au Canada, le mouvement fait une percée timide. La page Facebook Gilets jaunes Québec compte un peu plus de 2000 membres. « Il faut être solidaires de ces mouvements-là parce qu’ici aussi, il faut combattre la montée des inégalités. On dit que le Québec est l’une des sociétés les plus égalitaire­s, mais on sait qu’il y a encore du travail à faire », estime Daniel Boyer.

Salaire minimum

Selon la FTQ, la réduction des inégalités passe notamment par l’augmentati­on du salaire minimum à 15 $, une revendicat­ion phare du mouvement syndical qui en fait l’une de « ses plus grandes priorités pour 2019 ».

Le contexte de pénurie de main-d’oeuvre lui donne par ailleurs une certaine force de levier, reconnaît M. Boyer. « On l’a dit au ministre des Finances [lors d’une rencontre] vendredi dernier : c’est le plus beau moment pour augmenter le salaire minimum à 15 $ pour la simple et bonne raison que la situation économique est intéressan­te. »

La centrale syndicale entend également mettre davantage de pression sur le gouverneme­nt afin d’instaurer un régime public et universel d’assurance médicament­s. « Le régime à deux têtes, privé-public, qui a cours au Québec ne répond clairement pas aux besoins actuels et cause des injustices graves à une grande partie de la population. Ce n’est pas normal que près de 9 % de la population ne prenne pas ses médicament­s en raison des coûts. »

Transition énergétiqu­e

La FTQ demande également au gouverneme­nt de faire de la lutte contre les changement­s climatique­s une priorité et l’exhorte à se doter d’un plan pour entamer la transition énergétiqu­e, afin de minimiser les impacts sur les travailleu­rs.

« Il ne faut pas que les travailleu­rs fassent les frais de la nouvelle économie, a plaidé Daniel Boyer. On représente des gens dans le pétrole, on sait que ça n’existera plus dans 30 ans, mais c’est maintenant qu’il faut prévoir un plan pour les gens qui travaillen­t dans les raffinerie­s. »

Même chose pour les travailleu­rs des cimenterie­s, un secteur qui émet beaucoup de gaz à effet de serre. « Les employés sont conscients qu’ils ne pourront pas continuer à produire du ciment de la façon dont ça se fait actuelleme­nt […] Nos gens sont conscients que ça va arriver et ils ne veulent pas se faire dire une semaine avant : “on ferme la shop parce qu’on n’est plus capables de vendre nos affaires, on émet trop de gaz à effet de serre, trouvez-vous une autre job ailleurs”. Non. On sait que ça va arriver et c’est maintenant qu’il faut s’en préoccuper. »

En cette année électorale, la FTQ fait des revendicat­ions similaires aux partis politiques fédéraux. « Le plus gros reproche qu’on peut faire au gouverneme­nt actuel, c’est d’avoir tenu un discours très environnem­entaliste lors de la dernière campagne électorale, mais quand tu achètes un pipeline, c’est un petit peu contradict­oire. On s’attend à ce que le gouverneme­nt pose des gestes un peu plus concrets que des discours. »

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