La pression monte d’un cran en RDC
Une organisation régionale d’Afrique australe a accentué dimanche la pression sur la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo (RDC) en demandant un nouveau dépouillement des voix de l’élection présidentielle du 30 décembre, contestées par une partie de l’opposition.
Le chef d’État de la Zambie, Edgar Lungu, président en exercice de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), a indiqué que l’organisation estime « qu’un second dépouillement permettrait de rassurer à la fois les vainqueurs et les perdants ».
Contre toute attente, la Commission électorale congolaise (CENI) a annoncé, dans la nuit de mercredi à jeudi, la victoire de Félix Tshisekedi, 55 ans, fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi.
M. Tshisekedi a devancé avec 38,57 % des voix l’autre principal opposant, Martin Fayulu (34,8 %), selon les résultats provisoires. Il doit donc succéder à Joseph Kabila, 47 ans, au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2001.
Mais M. Fayulu a immédiatement dénoncé un « putsch électoral » du président sortant avec la « complicité » de M. Tshisekedi, et revendiqué la victoire avec 61 % des voix. Il a déposé vendredi une demande devant la Cour constitutionnelle, qui a huit jours pour l’examiner.
Prudence internationale
En demandant un nouveau dépouillement, la SADC, qui a également appelé les dirigeants congolais à « considérer un accord politique négocié en vue d’un gouvernement inclusif », va plus loin que le reste de la communauté internationale.
La SADC comprend notamment l’Afrique du Sud et l’Angola, qui ont des intérêts économiques en RDC, autre membre de l’organisation. Elle avait envoyé une mission d’observation le 30 décembre en RDC et avait estimé que le « processus électoral s’était relativement bien déroulé ».
L’Union européenne a demandé « la publication des procès-verbaux de chaque centre local de compilation des résultats ». Les États-Unis ont réclamé une « clarification » et exhorté toutes les parties au calme, comme l’Union africaine ou l’ONU.
La prudence internationale à l’égard des résultats fournis par la CENI tient aux objections de la toute puissante Église catholique, qui a demandé à l’ONU la publication des procès-verbaux du scrutin «pour enlever les doutes ».
Selon la Conférence nationale épiscopale du Congo, les résultats de la CENI « ne correspondent pas » aux données recueillies par les 40 000 observateurs
[…] Un second dépouillement permettrait de rassurer à la fois les vainqueurs » et les perdants EDGAR LUNGU
qu’elle affirme avoir déployés le jour du vote.
« Comme tous les dimanches », M. Fayulu s’est rendu dans la matinée à l’église protestante Philadelphie. « Notre foi est intacte, inébranlable. Parce que le peuple a décidé et la volonté du peuple sera réalisée », a-t-il confié à la sortie, les autres paroissiens saluant ses mots d’un « amen ».
Devenus au cours de la campagne de farouches rivaux, MM. Fayulu et Tshisekedi ont la particularité de fréquenter tous deux cette même église. Mais ce dernier, très discret depuis la publication des résultats, ne s’y est pas déplacé dimanche.
M. Tshisekedi doit lentement prendre la mesure du défi qui l’attend s’il est confirmé président du plus grand pays d’Afrique subsaharienne, aux énormes ressources naturelles, mais marqué par de nombreux conflits internes et deux guerres entre 1996 et 2003.
À l’Assemblée nationale, les forces favorables au président sortant Kabila au sein de la coalition Front commun pour le Congo ont largement obtenu la majorité (250+1), en remportant plus de 350 sièges, selon le gouvernement.
La RDC est un régime semi-présidentiel où le premier ministre doit sortir des rangs du groupe majoritaire à l’Assemblée. M. Tshisekedi, qui obtiendrait une cinquantaine d’élus à la tête de la coalition Cap pour le changement, devrait ainsi être contraint à une cohabitation avec les partisans de M. Kabila.
Selon la Constitution, M. Kabila ne peut prétendre à plus de deux mandats d’affilée. Mais, déjà assuré de devenir sénateur à vie, il envisage de revenir pour le prochain cycle électoral prévu en 2023.
D’ici là, un accord aurait été passé avec M. Tshisekedi lui garantissant un droit de regard sur des postes stratégiques (défense, finances, gouverneur de la Banque centrale), selon une source congolaise.
L’intronisation du nouveau président doit être annoncée pour le 22 janvier, après la proclamation définitive des résultats.