Le Devoir

Une nouvelle vie au Canada

L’accueil au pays de la réfugiée saoudienne provoque éloges et critiques

- FLORENCE SARA G. FERRARIS

La réfugiée saoudienne Rahaf Mohammed al-Qunun a posé les pieds samedi au Canada, où elle s’apprête à commencer une nouvelle vie. Si sa présence au pays a été largement saluée, son arrivée fort médiatisée aux côtés de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, venue elle-même l’accueillir à l’aéroport de Toronto, a fait l’objet de critiques.

Fortement médiatisée, l’arrivée en sol canadien de la jeune ressortiss­ante saoudienne Rahaf Mohammed al-Qunun — que la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, est elle-même venue accueillir à l’aéroport de Toronto samedi — a suscité de nombreuses réactions, tant élogieuses que critiques. Et bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer les répercussi­ons à long terme de ce battage médiatique, certains analystes estiment déjà qu’au-delà du geste humanitair­e, cela pourrait permettre au gouverneme­nt libéral de gagner des points auprès de la population canadienne en ce début d’année électorale.

« C’est une victoire nette pour le gouverneme­nt de Justin Trudeau, souligne le rédacteur en chef du magazine Global Brief et chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand, Irvin Studin. Comprenez-moi bien, ce n’est pas surprenant de la part du Canada, mais dans une perspectiv­e électorale, c’est un geste qui, une fois médiatisé, fait très bien paraître le parti au pouvoir. »

« C’est un geste très concret sur le plan humanitair­e, renchérit le professeur d’histoire des relations internatio­nales à l’Université de Montréal Samir Saul. [Qui plus est] qui s’inscrit en ligne directe avec l’image que désire projeter le Canada [tant son gouverneme­nt que sa population] sur la scène internatio­nale. En ce sens, il s’agit d’une décision politique à fort impact. »

Relations tendues

D’autant plus que, selon ce spécialist­e du monde arabe, la forte attention médiatique accordée à la jeune réfugiée de 18 ans risque d’envenimer les relations déjà tendues entre le Canada et l’Arabie saoudite. Encore plus si elle persiste au cours des prochains jours.

« Si les choses se calment, on pourra reléguer l’événement à la sphère du privé, mais si ça se poursuit — et c’est mon intuition —, ça revient un peu à jeter de l’huile sur le feu », affirme-t-il.

À terme, cela pourrait même, selon lui, inciter Riyad à rompre le contrat d’exportatio­n de blindés de 15 milliards de dollars qui lie toujours les deux États.

« Ultimement, c’est peut-être même ce que le gouverneme­nt Trudeau souhaite, avance Samir Saul. Après tout, ce contrat [signé en 2016] est tout ce qu’il reste entre les deux pays et il place le Canada face ses contradict­ions. Trudeau a été très critiqué, tant sur la scène internatio­nale qu’à l’intérieur du pays, pour cette décision. Après, il ne peut pas rompre ce contrat lui-même, mais il ne serait sans doute pas malheureux qu’il disparaiss­e. »

Un avis que ne partage toutefois pas la conjointe de Raïf Badawi, celle-ci ne craignant pas que les récents événements ne détérioren­t encore davantage les relations diplomatiq­ues entre les deux pays — et nuisent par le fait même à la cause de son mari. « Je suis contente pour elle. Je suis vraiment fière du Canada aussi, a indiqué à La Presse canadienne Ensaf Haidar. C’est ça, les pays démocrates. »

Parcours

Rappelons que Rahaf Mohammed alQunun a fui vers la Thaïlande la semaine dernière, disant vouloir échapper à sa famille violente. Elle s’est fait connaître sur les réseaux sociaux grâce à une campagne lancée depuis sa chambre d’hôtel de Bangkok, où elle s’était barricadée. Le mot-clic #SaveRahaf a rapidement fait le tour du monde.

Après un branle-bas de combat du Haut-commissari­at des Nations unies pour les réfugiés, le premier ministre Justin Trudeau a finalement annoncé vendredi que le Canada lui ouvrirait ses portes, et elle est arrivée à Toronto le lendemain.

Entre-temps, une campagne de sociofinan­cement a été lancée afin de faciliter sa réinstalla­tion en sol canadien. Plus de 10 000 $ avaient déjà été amassés en fin de journée dimanche.

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LARS HAGBERG AGENCE FRANCE-PRESSE
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CHRIS YOUNG LA PRESSE CANADIENNE La jeune réfugiée saoudienne Rahaf Mohammed al-Qunun a été accueillie samedi à l’aéroport de Toronto par la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

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