L’heure devérité :Westminster scellera le sort du Brexit aujourd’hui, lors du vote « le plus important depuis la guerre en Irak »
Westminster tient aujourd’hui son vote « le plus important depuis la guerre en Irak »
À73 jours de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le ton monte à Westminster alors que le Parlement britannique s’apprête à vivre l’un des débats les plus déchirants de son histoire. Dès mardi matin, Theresa May déposera devant les parlementaires l’accord controversé qu’elle a négocié avec Bruxelles, un document de 585 pages qui définit les termes du divorce avec l’Europe, met fin à la libre circulation des personnes, mais maintient le RoyaumeUni dans le marché européen en attendant la négociation d’un nouveau traité, quitte à instaurer un contrôle douanier (backstop) entre l’Ulster et la Grande-Bretagne pour éviter d’en créer un entre les deux Irlandes.
Lundi, la première ministre a mis en garde les élus contre le danger que le Parlement trahisse la volonté exprimée par les Britanniques lors du référendum de juin 2016 en organisant un second référendum ou en votant le maintien dans une union douanière.
Évoquant les référendums gallois et écossais, elle a affirmé que « jamais le Royaume-Uni n’avait refusé jusque-là de respecter le résultat d’un référendum ». En réponse à une question de la Chambre, elle a tranché : « Le RoyaumeUni quittera l’Union européenne le 29 mars ! »
Sans surprise, les lettres d’entente publiées lundi confirment le refus de l’Union européenne de définir un échéancier précis pour le backstop qui, disent les opposants à l’accord, pourrait maintenir le Royaume-Uni indéfiniment dans le marché européen. Même si Bruxelles évoque une période « la plus courte possible », elle refuse de lui donner un caractère légal. Un courrier de dernière minute adressé à Theresa May par le président du Conseil européen, Donald Tusk, n’a guère clarifié les choses.
Signe des vives tensions qui déchirent son parti, immédiatement après l’allocution de Theresa May, le whip conservateur Gareth Johnson a démissionné, estimant que l’accord laisserait le Royaume-Uni « soumis à perpétuité à l’Union européenne ». Sans expliquer comment il pourrait négocier un meilleur accord alors que les membres de son parti souhaitent majoritairement demeurer dans l’Union européenne, le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn a dénoncé « un semblant d’accord » profondément « dommageable ».
Une défaite historique ?
Les observateurs les plus avertis estiment que plus de 80 députés conservateurs, sans compter les 10 élus d’Irlande du Nord (DUP), pourraient se joindre aux travaillistes pour rejeter l’accord. Si la première ministre perdait par beaucoup plus qu’une centaine de voix —, le chroniqueur Patrick Scott, du Telegraph, évoque « une défaite historique » —, cela pourrait précipiter des élections, estiment les analystes. Mais, après une douzaine de rebuffades de ce genre, ce ne serait pas la première fois que Theresa May se relèverait d’une défaite.
Sitôt l’accord rejeté, la première ministre aura jusqu’au 21 janvier pour proposer à la chambre un plan B. Elle pourrait s’adresser à la nation et retourner à Bruxelles exiger un engagement plus ferme sur le caractère temporaire du backstop. On s’attend à ce que, à la faveur d’un amendement voté la semaine dernière, le Parlement puisse alors modifier la proposition laissant libre cours à un débat parlementaire et à des votes dont personne ne peut encore imaginer l’issue tant la Chambre est divisée.
Lundi à Westminster, chaque groupe fourbissait ses armes. Une douzaine d’anciens ministres conservateurs, dont Boris Johnson et David Davis, ont notamment adressé une lettre aux élus les incitant à se préparer à quitter unilatéralement l’Union européenne. Une sortie selon les règles de l’OMC pourrait créer « des inconvénients à court terme », mais serait de loin préférable à un mauvais accord, disent les signataires. «[Si nous sommes confrontés] au No Deal, tout le monde reviendra à la raison », dit le député DUP Nigel Dodds.
« À l’exception de certains ajustements, il est faux de penser qu’une sortie sans accord créerait une catastrophe économique», nous confiait plus tôt l’ancien secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie de Margaret Thatcher et John Major, Lord Peter Lilley qui a participé aux négociations de l’Uruguay Round. Ces « hard brexiters » citent le président du port de Calais, Jean-Marc Puissesseau, selon qui tout est en place pour éviter les longues files d’attente à la douane.
Bloquer une sortie unilatérale
À l’opposé, un groupe d’élus issus des deux côtés de la Chambre a publié une résolution destinée à bloquer toute sortie unilatérale du Royaume-Uni de l’Union européenne.
La résolution, qui pourrait être présentée dès mardi, obligerait même le gouvernement à révoquer la demande de retrait du Royaume-Uni en vertu de l’article 50 du traité de Lisbonne tant que le Parlement n’arrive pas à s’entendre sur une voie de sortie.
Dans la même veine, des élus libéraux démocrates, travaillistes et du Scottish National Party ont publié deux
Le Royaume-Uni quittera l’Union » européenne le 29 mars ! THERESA MAY
textes de loi proposant la tenue d’un nouveau référendum. Les électeurs seraient alors invités à accepter l’accord négocié par Theresa May ou à demeurer dans l’Union européenne. Lundi, la première ministre a accusé ces élus de « trahir » ni plus ni moins le vote de juillet 2016.
La décision qui se prendra mardi à Westminster est « le vote le plus important depuis celui sur la guerre en Irak » a estimé le maire de Londres, le travailliste Sadiq Khan, chaud partisan d’un second référendum. La décision est tellement importante que le président de la Chambre, John Bercow, a proposé au parlement que la députée travailliste Tulip Siddiq, partisane du Remain, puisse exceptionnellement jouir d’une procuration pour qu’elle n’ait pas à reporter sa césarienne prévue aujourd’hui même.
« Si mon fils arrive dans ce monde un jour plus tard […] mais que dans ce monde la Grande-Bretagne a de meilleures chances d’avoir une forte relation avec l’Europe, a-t-elle déclaré, alors ça en vaut la peine. »
La décision qui se prendra mardi à Westminster est « le vote le plus important depuis celui sur la guerre en Irak » a estimé, le maire de Londres, le travailliste Sadiq Khan, chaud partisan d’un second référendum