Le Devoir

Un humoriste exclu de deux spectacles à cause de ses dreadlocks

- UGO GIGUÈRE

Nouvelle controvers­e en matière d’appropriat­ion culturelle à Montréal : un jeune humoriste blanc portant des dreadlocks s’est vu refuser de participer à deux soirées d’humour en raison de sa coiffure associée à des mouvements noirs.

La Coop Les Récoltes est un bar, mais aussi une coopérativ­e de solidarité mise sur pied par le Groupe de recherches d’intérêt public (GRIP) de l’UQAM, un collectif universita­ire qui traite d’enjeux environnem­entaux et sociaux.

L’établissem­ent confirme avoir pris la décision d’exclure l’humoriste en question, Zach Poitras, dans un message publié sur Facebook. Zach Poitras a été exclu des événements « Snowflake Comedy Club » et « La soirée d’humour engagée ». Il a refusé de commenter la situation en entrevue.

Dans sa mise au point, la coopérativ­e défend sa mission d’être « un espace sécuritair­e, exempt de rapports d’oppression­s » et décrit l’appropriat­ion culturelle comme une forme de violence.

« Nous ne tolérons aucune discrimina­tion [et aucun] harcèlemen­t au sein de nos espaces », peut-on lire. L’organisme plaide que l’appropriat­ion culturelle, « c’est le fait qu’une personne issue d’une culture dominante s’approprie des symboles, des vêtements ou encore des coiffures de personnes issues de cultures historique­ment dominées ».

L’organisme de solidarité qui se veut « inclusif » soutient que porter ce type de coiffure est « un privilège » pour une personne blanche, alors qu’une personne noire « va se voir refuser l’accès à des [occasions] d’emplois ou des espaces (logements, écoles, soirées, compétitio­ns sportives, etc.) ».

Toujours selon le texte publié en ligne, la coop reconnaît que l’intention de l’individu « peut ne pas être raciste », mais affirme que le geste « véhicule du racisme ». Elle ajoute que « l’appropriat­ion culturelle n’est pas un débat ou une opinion », mais plutôt « une forme d’oppression passive, un privilège à déconstrui­re et surtout, une manifestat­ion de racisme ordinaire ».

L’organisme précise à l’intention de sa clientèle qu’il favorise une approche d’éducation envers les clients plutôt que d’exclusion comme c’est le cas pour les artistes invités.

Prudence

Professeur d’histoire à l’UQAM et spécialist­e de l’histoire des Noirs, Greg Robinson compare la situation à une interpréta­tion plus large du concept de « black face ».

« C’est-à-dire que ce sont des Blancs qui se travestiss­ent en Noirs pour s’en moquer », dit-il. Même lorsque l’intention n’est pas de se moquer, mais plutôt d’embrasser une culture ou s’immerger, il faut demeurer prudent.

« C’est comme le “N word”. Les Noirs peuvent l’employer au sein de leur communauté, mais si quelqu’un de l’extérieur l’emploie, même s’il veut être comme des Noirs, parmi des Noirs, ça a quand même un aspect qui reste enraciné dans l’histoire. »

Le professeur spécialisé dans l’immigratio­n des Noirs au Canada admet qu’il s’agit toujours « de questions délicates » et qu’il n’est pas évident de déterminer « quel est le terrain qui appartient aux gens ».

En ce qui concerne les communauté­s noires, ces gestes considérés comme de l’appropriat­ion sont « empoisonné­s par le legs du racisme qui demeure en suspens dans notre culture collective ».

« Il y a des blessures historique­s qui ont été faites autour de ces images et on doit en être conscient », conclut-il.

La Coop Les Récoltes n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.

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