Des solutions québécoises au problème du plastique
De jeunes pousses d’ici se faufilent dans le peloton de tête des technologies de recyclage
Plus de 300 acteurs internationaux étaient réunis à Paris cette semaine pour trouver des solutions à la « crise planétaire du plastique ». Notamment des solutions pour recycler les quelque 500 milliards de bouteilles en plastique produites chaque année dans le monde.
Un peloton d’entreprises en démarrage était dans la Ville Lumière pour convaincre des géants des industries alimentaires, cosmétiques et de la filière plastique de se tourner vers leurs nouvelles technologies destinées à réduire la quantité de plastique vierge dans les emballages.
Parmi ces géants : Petcore, Total, Unilever, L’Oréal, Coca-Cola, Procter and Gamble et d’autres multinationales, comptant parmi les principaux producteurs et utilisateurs des plastiques qui souillent l’environnement et les océans. Autant de joueurs — dont certains signataires de la Charte sur les plastiques dans les océans — soumis chaque jour à davantage de pressions pour se tourner vers des emballages moins polluants.
Or, de jeunes pousses québécoises et canadiennes ont multiplié les échanges cette semaine dans la capitale française pour faire connaître à ces géants les solutions aux ratés actuels observés dans le recyclage du plastique.
Parmi eux, Polystyvert, Pyrowave et Loop Industries, des start-ups du Québec qui espèrent vendre et faire essaimer leurs technologies dans plusieurs coins de la planète. C’est déjà le cas de Loop Industries, qui tente de se tailler la part du lion dans le marché du plastique recyclable, utilisé pour fabriquer des produits d’embouteillage.
La jeune entreprise, lancée en 2015, a mis au point une technique pour dissoudre sans eau ni chaleur les polymères de polyéthylène (PET) utilisés pour produire les bouteilles, ainsi que le polyester, que recèlent une foule de produits textiles, à partir de plastiques post-consommation.
Le procédé permet de « dépolymériser », décolorer et purifier les plastiques usés (PET et polyester) pour les ramener à l’état de monomères vierges, assez purs pour permettre leur réutilisation à l’infini dans les produits alimentaires. Les procédés traditionnels de fabrication du plastique recyclé ne permettent en général que d’accoucher d’un plastique de faible qualité, réutilisable un nombre limité de fois.
« Ce qui est des déchets pour les autres, c’est de la matière première pour nous. Notre procédé est plutôt du “surcyclage” », explique Nelson Switzer, directeur du développement chez Loop Industries. « Non seulement on peut créer une nouvelle matière pure à partir de n’importe quel plastique — comme celui récupéré des océans — pour éviter l’extraction de ressources fossiles, mais cela évite en sus que des plastiques continuent de fuir vers les sites d’enfouissement ou dans l’environnement », affirme-t-il.
Si aucune entente n’a encore été signée à Paris, la jeune compagnie a déjà dans ses cartons plusieurs projets pour la tenir en haleine. Loop Industries a scellé une entente l’automne dernier avec Indorama Venture, un producteur de plastique implanté dans 27 pays, pour adapter d’ici 2020 certaines de ses usines, dont une en Amérique, à la fabrication de bouteilles faites de PET 100 % « surcyclés ». En Europe, Loop Industries s’est aussi allié avec le groupe allemand Thyssen-Krupp, pour la récupération du polyester.
Les emballages faits de plastiques récupérés seront destinés aux colosses que sont Coca-Cola, PepsiCo, L’Oréal et Nestlé (Évian), qui à eux seuls utilisent la plus grande part des PET produits dans le monde.
Plusieurs de ces compagnies se sont déjà engagées à utiliser, en 2030, des bouteilles composées à 50 % de PET recyclés, alors que Nestlé prévoit d’atteindre cette cible en 2025. « Cela suscitera une demande éventuelle de plus de 3,3 milliards de livres de plastique par année, c’est un marché immense », avance Nelson Switzer.
Les ententes prévoient que le sigle « Loop » apparaîtra sur les emballages ainsi produits pour que les consommateurs puissent faire le choix « de solutions durables pour résoudre la crise du plastique », explique le porte-parole de Loop Industries.
Au Canada, seulement 800 000 des 4,5 millions de tonnes de PET produites chaque année sont récupérées, selon ce dernier. De nombreuses autres start-ups américaines, allemandes et japonaises se disputent aussi ce marché naissant.
Des cibles ambitieuses
L’année dernière, au Sommet de Charlevoix, les pays du G7 se sont donné comme objectif la récupération de 100 % des plastiques produits et 55 % d’ici 2030. Inutile de dire qu’avec seulement 7 % des 480 milliards de bouteilles de plastique vendues chaque année dans le monde qui prennent le chemin du recyclage, on est encore loin du compte.
La jeune entreprise Pyrowave, de Valleyfield, ainsi que Polystyvert étaient aussi sur les rangs à Paris pour faire connaître leurs procédés de recyclage du polystyrène (PS), ce plastique à usage unique (gobelets à café, contenants de nourriture à emporter, etc.) « non recyclable » et boudé par la plupart des programmes de récupération municipaux.
« On veut se positionner à l’échelle mondiale, car cette solution est applicable dans tous les marchés. On souhaite implanter de petits modules, gros comme un conteneur, qui permettent de traiter sur place les polystyrènes, tant dans des centres de tri que dans n’importe quelle usine », explique Virginie Bussières, vice-présidente communications et marketing, porte-parole de cette start-up fondée par trois ingénieurs de Polytechnique.
Réduit à l’état de granules après dissolution dans une huile, le polystyrène ainsi récupéré peut être facilement transporté et réintroduit dans la fabrication de nouveaux plastiques.
C’est à l’invitation de Éco Entreprises Québec (EEQ) et de son vis-à-vis français Citeo que tous ces joueurs étaient réunis. «Avec CITEO, notre équivalent français, on veut faire comprendre que l’avenir se trouve dans des solutions innovantes de recyclage. Le secteur de l’alimentation est à l’origine de 60% des emballages plastiques produits dans le monde », explique au Devoir Maryse Vermette, p.-d.g. de EEQ, jointe à Paris.
La clé se trouve non seulement dans les technologies disponibles, mais dans le maillage de ces jeunes compagnies avec des investisseurs potentiels, capables de fournir le capital nécessaire pour propulser des alliances commerciales, dit-elle.
Pour l’instant, la chaîne du recyclage du plastique demeure grandement problématique au Québec comme ailleurs dans le monde. Si le taux de récupération du plastique dans les centres de tri atteint 35% au Québec, selon Mme Vermette, une part ténue est réellement recyclée.
« Il y a des investissements à faire pour éviter ce qu’on a vécu avec la fermeture des marchés asiatiques [à nos matières récupérées]. Cette industrie n’est pas encadrée, on ne sait pas quelle quantité de plastique est recyclée et où elle va. C’est pourquoi il faut miser sur des technologies qui visent à remplacer l’apport de matières premières à la source, notamment en les remplaçant par des polymères recyclés. »
À l’heure actuelle, EEQ offre un crédit aux entreprises qui utilisent du plastique recyclé dans la conception de leurs emballages. Mais aucune loi n’oblige à introduire un pourcentage minimal de matières récupérées dans la fabrication des produits plastiques au Canada et aux États-Unis.