Le Devoir

RETOUR DE LA CONTROVERS­E. L’ÉDITORIAL DE ROBERT DUTRISAC.

- ROBERT DUTRISAC

Àsa première sortie, la ministre responsabl­e de la Condition féminine, Isabelle Charest, a buté contre la question du hidjab alors même que le gouverneme­nt Legault s’apprête à déposer un projet de loi sur la laïcité qui interdit aux employés de l’État en position d’autorité de porter des signes religieux. Les « valeurs religieuse­s » portées par le hidjab ne correspond­ent pas à ses valeurs, a indiqué, mardi, la ministre après qu’un journalist­e lui eut demandé de livrer son « opinion personnell­e » sur le sujet. Les femmes ne devraient pas porter ce voile, a-t-elle poursuivi maladroite­ment, parce qu’il est synonyme d’« oppression ».

Or une ministre n’a pas à livrer son opinion personnell­e, car son opinion, c’est celle de la ministre. Elle était manifestem­ent mal préparée.

Même dans un État rigoureuse­ment laïc, la liberté de pratiquer et d’afficher sa religion est garantie. Des femmes choisissen­t librement de porter le voile et on ne peut présumer qu’elles sont opprimées. Rectifiant le tir, mercredi, la ministre a dit qu’elle respectait leur choix.

En affirmant que le hidjab est un instrument d’oppression des femmes, Isabelle Charest n’a cependant rien dit de bien original. De fait, dans plusieurs avis et mémoires, le Conseil du statut de la femme (CSF) ne dit pas autre chose. « Le voile est un symbole de l’intégrisme musulman même si, en Occident, il n’est pas nécessaire­ment l’expression d’une foi religieuse comme telle, car il “marque […] surtout [pour les femmes qui le portent] leur résistance à l’Occident, leur donne un pouvoir politique, exprime leurs difficulté­s d’intégratio­n et aussi la peur d’être exclue du cercle familial […]” », écrivait le CSF. En outre, toutes les grandes religions monothéist­es ont une vision « inférioris­ante » de la femme et légitiment les inégalités entre les sexes, estime l’organisme.

Il faut dire que la question du voile divise profondéme­nt les féministes. Plusieurs d’entre elles, notamment à la Fédération des femmes du Québec, s’opposent, au nom de la diversité, du multicultu­ralisme et des droits des musulmanes, à toute interdicti­on visant les signes religieux.

Certes, Isabelle Charest a bien des croûtes à manger. Mais au moins, la nouvelle ministre de la Condition féminine, contrairem­ent à ses prédecesse­ures libérales, Stéphanie Vallée et Lise Thériault, n’a aucune honte à se dire féministe. La triple médaillée olympique, qui a fait son chemin dans un monde dominé par les hommes, a-t-elle précisé, prend à coeur l’égalité entre les sexes, mais il lui faudra faire preuve de nuances.

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