Michel Cadotte « a perdu le contrôle »
Le psychiatre Louis Morissette témoigne de la dépression dont souffrait l’accusé
Le jugement de Michel Cadotte était altéré par la sévère dépression dont il souffrait au moment où il a étouffé avec un oreiller sa femme atteinte d’alzheimer, soutient un psychiatre expert.
« Pendant un moment, il a perdu le contrôle […] Ce n’est pas une décision qu’il a prise avec un esprit libre », a expliqué le Dr Louis Morissette, qui témoignait mercredi pour la défense au procès de l’homme accusé du meurtre non prémédité de Jocelyne Lizotte.
Après avoir été l’aidant naturel de son épouse pendant près de dix ans, c’est l’accumulation de tracas qui a mené M. Cadotte à commettre l’irréparable, soutient le Dr Morissette. « La maladie de sa femme, la détérioration de son état, ses douleurs physiques, ses problèmes de sommeil, ses tracasseries financières et l’isolement social qu’il vivait, c’est une série de choses qui se sont additionnées et l’ont mené à poser un geste imprévu », a déclaré le Dr Morissette.
M. Cadotte avait reçu un diagnostic de dépression sévère en 2013. Il prenait depuis des antidépresseurs. « Il y a eu une amélioration [de son état de santé], mais pas suffisante pour dire qu’en février 2017 il était en rémission complète », a soutenu le spécialiste.
En contrôle
Une personne dépressive peut être fonctionnelle et en contrôle, a souligné le Dr Morissette. C’était d’ailleurs le cas de M. Cadotte. « Ce n’était pas quelqu’un de psychotique ou de mélancolique. Il était capable de s’occuper de son épouse de manière un peu automatique. Il était fonctionnel, mais il agissait un peu comme un robot », a-t-il noté.
C’est également ce qui explique que M. Cadotte était conscient que « son geste était mal », comme il l’a admis lors de son témoignage.
« Sa souffrance psychologique ne l’empêchait pas de distinguer le bien et le mal et ça ne l’empêchait pas non plus d’apprécier le geste posé », a indiqué le Dr Morissette. Toutefois, « si les symptômes dépressifs n’avaient pas été présents, il n’aurait pas pris cette décision », a-t-il insisté.
Pour illustrer son propos aux 12 jurés qui détermineront le sort de M. Cadotte, le psychiatre leur a proposé d’imaginer une blessure au bras.
«Une dépression, c’est comme la douleur quand on se blesse le bras. Elle peut disparaître, puis quelqu’un t’accroche dans le métro et ça la ravive. Puis, tu l’accroches encore une fois et ça peut continuer à faire mal », a-t-il décrit.
Le jour du drame, M. Cadotte a dit que c’est après avoir mis sa femme au lit et tenté de placer l’oreiller qui a glissé à trois reprises qu’il a décidé de mettre fin aux jours de Mme Lizotte. Mme Lizotte était atteinte de la maladie d’Alzheimer et avait complètement perdu son autonomie. Elle ne reconnaissait plus personne, elle ne pouvait manger que des aliments en purée et, en raison de son errance, elle devait être retenue par contention sur une chaise gériatrique toute la journée.
Pour le commun des mortels, il peut être difficile d’imaginer qu’une frustration «banale» puisse mener à poser un geste « catastrophique », a expliqué le Dr Morissette.
«Nous, on se dit que c’est juste un oreiller. Il glisse une fois, deux fois, trois fois, tu le remets en place, ce n’est pas complexe, mais pour [M. Cadotte], ce n’était pas une question d’oreiller, c’était la situation qui s’est ajoutée à une accumulation et qui lui a fait perdre le contrôle », a-t-il dit.
Le procès se poursuivra jeudi au palais de justice de Montréal.