Le milliard « de trop » a fondu
L’écart salarial se resserre entre médecins spécialistes québécois et ontariens
L’écart salarial entre les médecins spécialistes québécois et ceux de l’Ontario a diminué, révèle une étude publiée jeudi. Des données qui n’aideront pas Québec à justifier le milliard de dollars « de trop » qu’il compte récupérer du salaire des spécialistes, estime leur fédération.
« On partait avec la prémisse que les médecins spécialistes sont trop payés et trop paresseux, mais [cette étude] vient confirmer notre réelle position », estime la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Diane Francoeur.
Dans son rapport Les médecins au Canada 2017, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) montre que les médecins spécialistes du Québec ont touché en moyenne 384 000$ pour l’année 2016-2017, soit 23 778 $ de plus que leurs homologues ontariens. L’année précédente, cet écart était de 36 380 $.
En campagne électorale, la Coalition avenir Québec s’était appuyée sur ce dernier chiffre pour comparer les provinces voisines et ainsi justifier le salaire « trop élevé » des médecins spécialistes québécois.
François Legault avait promis de récupérer un milliard en rouvrant l’enle tente conclue entre l’ancien gouvernement libéral et la FMSQ au printemps 2018. Mais avant de s’asseoir à la table des négociations, les deux partis ont mandaté l’ICIS de réaliser une étude comparative pancanadienne sur la rémunération médicale. Les conclusions sont attendues d’ici septembre.
Pour la Dre Francoeur, l’étude finale encore en cours sera « plus raffinée » et donnera «l’heure juste». Le rapport publié jeudi — plus complet que les précédents — est tout de même révélateur et laisse penser que Québec «manquera d’arguments » pour négocier.
De son côté, le gouvernement Legault campe sur ses positions.
« L’étude de [jeudi] indique que les médecins spécialistes du Québec gagnent toujours en moyenne plus de 20 % de plus que leurs homologues ontariens (en tenant compte du coût de la vie), ce qui représente en dollars environ 1 milliard d’écart », soutient Myrian Marotte, attachée presse du président du Conseil du trésor, Christian Dubé. Elle concède toutefois que « la façon de capter les données n’est pas optimale », d’où la nécessité d’attendre les résultats définitifs de l’étude commandée à l’ICIS.
Comparaison incomplète
Aux yeux des experts consultés par Le Devoir, des informations manquent pour établir une réelle comparaison entre les provinces canadiennes.
« Il faut tenir compte du coût de la vie très différent, mais aussi de l’organisation de la pratique en comparant les salaires nets plutôt que bruts », estime Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Elle croit de plus que le Québec ne devrait pas uniquement se comparer à l’Ontario, comme le font les gouvernements successifs depuis des dizaines d’années. « Pourquoi ne pas se comparer avec des pays de l’OCDE ou du Commonwealth ? »
Damien Contandriopoulos, professeur à l’École de sciences infirmières de l’Université de Victoria, croit même que la comparaison n’a pas lieu d’être.
« Arrêtons cette psychose au Québec de vouloir s’aligner avec l’Ontario », lance-t-il, expliquant que cette « obsession » est partie d’une idée fausse selon laquelle les médecins québécois partaient pour l’Ontario pour être mieux payés. « On a plutôt besoin d’une réflexion collective sur ce qu’on estime être une rémunération juste des médecins, et raisonnable pour la société », avance-t-il.