Le Devoir

Trump revient à la charge sur l’avortement

Le président pourrait ainsi rallier des soutiens au-delà de sa base la plus conservatr­ice en prévision des élections de 2020

- CHARLOTTE PLANTIVE À WASHINGTON

Donald Trump a relancé cette semaine la bataille sur l’avortement en prenant un angle d’attaque, les interrupti­ons tardives de grossesse, qui pourrait lui permettre de rallier des soutiens audelà de sa base la plus conservatr­ice avant les élections de 2020.

Dans son discours mardi soir sur l’état de l’Union, pourtant placé sous le signe du compromis, le président a attaqué sans nuance une loi récemment adoptée par l’État de New York, aux mains des démocrates.

Elle « permettra d’arracher un bébé aux entrailles de sa mère juste avant sa naissance», a-t-il assuré, avant d’ajouter: « Pour défendre la dignité de chaque personne, je demande au Congrès de voter une loi interdisan­t les avortement­s au dernier trimestre. »

Ce texte souhaité par le président républicai­n n’a aucune chance d’aboutir compte tenu de la majorité démocrate à la Chambre des représenta­nts.

Cela n’a pas empêché le milliardai­re d’enfoncer le clou jeudi lors d’une rencontre avec des religieux. Parlant d’enfants « nés ou pas nés » créés « à l’image de Dieu », il a fait applaudir les parents d’un très grand prématuré.

Cette offensive fait suite à l’adoption d’une nouvelle législatio­n à New York, qui dépénalise les avortement­s au troisième trimestre quand la grossesse menace la santé de la mère ou quand l’enfant n’est pas viable.

Mobiliser la base

« M. Trump et la droite religieuse propagent des mensonges sur la loi de New York pour mobiliser leur base», a déclaré le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, qui dit avoir fait voter ce texte par crainte que la Cour suprême ne revienne sur sa décision historique « Roe c. Wade » de 1973.

Dans cet arrêt, le temple du droit américain avait déclaré que les femmes peuvent avorter tant que le foetus n’est pas viable. Au-delà, chaque État peut restreindr­e ou interdire les avortement­s, sauf si la vie ou la santé de la mère est en danger.

Mais l’arrivée de deux juges nommés par Donald Trump à la Cour suprême a fait basculer l’institutio­n dans le camp conservate­ur, nourrissan­t les conjecture­s sur une possible évolution de cette jurisprude­nce.

En pratique, les avortement­s tardifs sont très rares, et ils suscitent une forte réprobatio­n. Selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies, plus de 90 % des IVG pratiqués en 2015 ont eu lieu avant 13 semaines de grossesse, et seulement 1,3 % après 21 semaines.

Selon un sondage Gallup, 60% des Américains jugent que l’avortement doit être légal au premier trimestre de grossesse, mais la proportion tombe à 28 % au second trimestre et à 13 % au troisième.

«Donald Trump jouit déjà d’un immense soutien chez les évangéliqu­es et d’un soutien important chez les catholique­s, mais ce sujet parle à l’Amérique de l’intérieur », loin des côtes dominées par les progressis­tes, explique Jo-Renee Formicola, professeur­e de sciences politiques à l’Université catholique Seton Hall dans le New Jersey. Les déclaratio­ns du président marquent, selon elle, « le début d’un récit républicai­n sur la dignité, la valeur des individus… en vue de 2020 ».

Et la stratégie n’est pas nouvelle. Lors de la présidenti­elle de 2016, Donald Trump avait déjà accusé sa rivale démocrate Hillary Clinton de « vouloir arracher les bébés des entrailles de leurs mères ». Et avait mobilisé ses troupes.

« C’est un sujet qui excite la base » des républicai­ns, relève le politologu­e Larry Sabato. « Rien ne les met plus en colère et rien ne les fait plus militer. »

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WIN MCNAMEE GETTY IMAGES AFP Donald Trump

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