Le Devoir

Legault face au refus d’Ottawa

Québec ne pourra pas dicter ses conditions pour l’obtention d’une résidence permanente

- MARCO BÉLAIR-CIRINO À BEAUCEVILL­E

Le premier ministre François Legault proteste contre le refus d’Ottawa de permettre au Québec de fixer ses propres critères de sélection des résidents permanents.

« Si M. Trudeau nous empêche d’arriver à cet objectif [de mieux répondre aux besoins de main-d’oeuvre et de créer des tests de connaissan­ce du français et des valeurs québécoise­s], il va payer un prix politique», a averti M. Legault à quelque huit mois des prochaines élections fédérales.

Par médias interposés, il a pris soin de rappeler à son homologue fédéral, Justin Trudeau, le « mandat fort » de revoir le système d’immigratio­n que lui a confié la population québécoise le 1er octobre dernier. « On a l’appui des Québécois », a-t-il insisté en marge d’une annonce à Beaucevill­e vendredi. « [M. Trudeau] ne devrait pas être surpris de la demande qui a été faite hier. […] C’était dans notre programme électoral et on a eu une belle victoire, solide », a-t-il ajouté.

Le projet de loi no 9 accorde de nouveaux pouvoirs au ministre québécois de l’Immigratio­n, notamment celui de déterminer les « conditions qui affectent la résidence permanente », qui est octroyée par Ottawa aux ressortiss­ants étrangers établis au Québec, et ce, pour assurer « la satisfacti­on des besoins régionaux ou sectoriels de main-d’oeuvre » ou encore « l’intégratio­n linguistiq­ue, sociale ou économique » du nouvel arrivant.

À Ottawa, le ministre des Affaires intergouve­rnementale­s, Dominic Leblanc, a balayé du revers de la main la demande du gouverneme­nt québécois de fixer ses propres conditions à la délivrance, au maintien ou au retrait du statut de résident permanent canadien de tout nouvel arrivant sur le territoire québécois. « Plus d’analyses sur le projet de loi no 9 sont nécessaire­s, mais de prime abord, nous ne sommes pas favorables à la réintroduc­tion de la résidence permanente conditionn­elle », at-il indiqué moins de 24 heures après le dépôt du projet de loi no 9 à l’Assemblée nationale. « Ce n’est pas un non. Ici, c’est une invitation à discuter, puis à travailler ensemble», a dit de son côté le ministre fédéral de la Famille, Jean-Yves Duclos.

Le chef parlementa­ire du Parti québécois, Pascal Bérubé, se désole de cette deuxième rebuffade infligée par Ottawa au Québec en une semaine: non à une déclaratio­n de revenus unique traitée par le Québec, non à davantage de pouvoir en matière d’immigratio­n. «On propose au gouverneme­nt de la CAQ un projet emballant qui mettra fin à ces refus : l’indépendan­ce du Québec », a lancé la députée de Joliette, Véronique Hivon.

L’élection d’un gouverneme­nt « nationalis­te», «autonomist­e», se traduira nécessaire­ment par des « gains » pour le Québec face à Ottawa, a réitéré M. Legault vendredi. Quels sont les gains réalisés depuis la prise de pouvoir de la CAQ? lui a-t-on demandé. «Je viens d’arriver », a rétorqué le premier ministre, avant d’ajouter: «Je pense qu’on a obtenu de l’argent sur un certain nombre de dossiers du gouverneme­nt fédéral… »

M. Legault a demandé vendredi à tous les partis politiques de serrer les rangs afin de « protéger l’autonomie du Québec ». À ses yeux, la demande faite à Ottawa de « ravoir le pouvoir de fixer des conditions dans le choix des nouveaux arrivants, ce qui avait été obtenu par Robert Bourassa en 1993, [mais] laissé par [Philippe] Couillard et Kathleen Weil il y a quelques années », devrait faire l’objet d’« un consensus » à l’Assemblée nationale.

Même s’il n’appuie pas la réforme du système d’immigratio­n proposée par le gouverneme­nt caquiste, l’élu de Québec solidaire Andrés Fontecilla revendique « tous les pouvoirs au Québec en immigratio­n comme dans tous les domaines ». « Le projet de loi de la CAQ semble traiter les humains comme de la marchandis­e et jette à la poubelle 18 000 dossiers, qui représente­nt 60 000 personnes, 60 000 projets de vie ruinés, dont un certain nombre vivant déjà au Québec depuis quelques années », a-t-il déploré.

Contestati­on judiciaire ?

M. Legault a soutenu vendredi que l’annulation des 18 000 demandes en attente au ministère de l’Immigratio­n, qui est prévue dans le projet de loi no 9, est légale. L’auteur du projet de loi, « Simon Jolin-Barrette, est lui-même un avocat », a-t-il fait remarquer. « Je n’ai pas d’inquiétude­s. »

De leur côté, des avocats spécialisé­s en immigratio­n «évalu[ent] les recours » juridiques des quelque 50 000 personnes dont la demande d’immigratio­n serait annulée au lendemain d’une éventuelle adoption du projet de loi no 9.

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François Legault

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