L’ex-procureure générale du Canada a participé à des discussions informelles
L’ex-procureure générale Jody WilsonRaybould a participé à des discussions internes, l’automne dernier, portant sur l’éventualité que SNC-Lavalin puisse éviter des procédures criminelles, et il n’y a rien de mal à cela, soutiennent des représentants du gouvernement.
Ces représentants ajoutent que la tenue de ces discussions respecte la loi et que, au contraire, il aurait été mal vu pour le gouvernement de ne pas débattre des répercussions d’une telle poursuite sur la survie de l’entreprise et des emplois afférents. Ces représentants ont donné cette information à titre de mise en contexte à La Presse canadienne à la condition de ne pas être nommés.
Pour sa part, la ministre gardera le silence. Elle a plaidé vendredi qu’elle ne pourrait offrir sa version des faits dans l’affaire SNC-Lavalin. « En tant qu’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, je suis liée par le secret professionnel dans cette affaire », a-t-elle indiqué vendredi dans une déclaration d’une phrase transmise par son bureau. Cette mise au point a lieu au lendemain de la publication, dans le Globe and Mail, d’informations voulant que le bureau de Justin Trudeau ait exercé des pressions sur la ministre afin qu’elle intervienne pour aider SNC-Lavalin.
Selon l’avocat Benjamin Perrin, ce que l’ex-procureure générale soutient dans sa brève déclaration est exact, mais elle pourrait parler si le client accepte de renoncer au secret professionnel — et dans ce cas, le client est le gouvernement du Canada. « Celui qui est à la tête du gouvernement est le premier ministre. Alors, le premier ministre Trudeau aurait le pouvoir de lever le secret entre l’avocat et le client pour permettre à Jody Wilson-Raybould de s’exprimer publiquement sur ce qui s’est passé », a-t-il expliqué.
Les révélations du Globe and Mail ont eu l’effet d’une bombe sur la colline du Parlement à Ottawa, si bien que le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont fait front commun pour réclamer que lumière soit faite. L’opposition réclame une réunion d’urgence du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, afin d’entendre les témoignages de neuf hauts responsables gouvernementaux, vu les « reportages troublants sur l’ingérence politique du cabinet du premier ministre». À cette requête, le NPD ajoute celle de l’ouverture d’une enquête du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
SNC-Lavalin est accusée de fraude et de corruption par la Gendarmerie royale du Canada. Selon la police fédérale, elle aurait notamment versé 47,7 millions entre 2001 et 2011 à des titulaires de charges publiques en Libye dans le but de les influencer. Les accusations ont été déposées en 2015, et la société québécoise s’est ensuite mise à faire du lobbying auprès d’Ottawa afin que le gouvernement fédéral se dote d’un régime d’accords de poursuite suspendue, ce qui fut fait. Le Service des poursuites pénales au Canada (SPPC) a toutefois décrété en octobre que SNC ne pouvait s’en prévaloir. La firme d’ingénierie en a appelé, mais le SPPC a officiellement demandé à un tribunal de rejeter sa requête. La requête a été déposée par le directeur des poursuites pénales le 8 janvier en Cour fédérale.