Resto
Poivre noir est un joli resto de Trois-Rivières où l’on propose des produits d’ici
Parfois, le hasard fait les choses vraiment bien et mon karma me réconcilie momentanément avec la vie de critique errant. Ce jour-là, j’errai en Mauricie, le mercure hésitait entre -25 et -30 et moi j’hésitais entre pleurer et me rouler en boule dans un banc de neige. C’est là qu’est apparu Poivre noir, joli restaurant de Trois-Rivières.
Poivre noir n’est pas seulement un joli restaurant, c’est un très bon restaurant. Le décor, puisqu’il faut en parler, est charmant, mais la partie la plus impressionnante n’a rien à voir avec l’intérieur. En effet, le fleuve est là sous les fenêtres, majestueux, puissant, intemporel. Confortablement installés à table, on ne peut qu’être admiratifs devant cette beauté solennelle. Bien sûr, ce midi-là, il charriait tant de glace qu’il semblait n’être qu’un long tapis se déroulant au ralenti. On imagine que, au retour des beaux jours, cette immense terrasse qui ressemble au pont de 1re classe d’un paquebot doit être très achalandée. Une excuse pour que je revienne à Trois-Rivières.
Il est 13 h et quelques tables sont occupées dans cette grande salle ; un groupe de joyeuses clientes venues célébrer l’anniversaire de l’une d’elles, un trio d’hommes d’affaires qui parlent tout en finissant scrupuleusement leurs assiettes et deux ou trois autres tablées d’où proviennent des échos guillerets.
À midi, Poivre noir propose une table d’hôte avec un choix de trois entrées, de trois plats principaux (24, 25 ou 28$) et un dessert (4$). Pour celles et ceux qui prévoient le luxe d’une petite sieste, verre de vin blanc ou rouge à 6,50 $.
Pendant que sous les fenêtres l’immense tapis de glace glisse tranquillement, un amuse-bouche très soigné arrive, présage de belles assiettes. Le
tartare de truite arc-en-ciel est très finement coupé, endimanché d’un mélange de crème sure, de moutarde forte et de chair de mûre, le tout chapeauté de quelques lamelles de tortillas de maïs. Cette bolinette est judicieusement accompagnée de deux autres, huile d’olive dans l’une et dukkah (voir encadré) dans l’autre. Une bouchée de pain frais (et passé au four) trempé dans l’huile d’olive puis dans le dukkah, une bouchée de tartare et le plaisir est si parfait que ça pourrait s’arrêter là.
Suit un velouté de courge Butternut délicatement relevé de cari, d’une touche d’érable et accompagné de crème fleurette à la ciboulette et de crumble de pain (un peu superflu dans ce dernier cas, selon moi).
En face du velouté, une assiette de bouchées de ris de veau au coeur très tendre et croustillantes, car frites avec discernement, laquées aux 5 épices et au miel, oignons doux et choux de Bruxelles caramélisés. En bordure d’assiette, comme une frise printanière, une poudre de petits pois verts. Deuxième entrée, toujours dans le registre impeccable.
En plats principaux, une cuisse de canard confite partageait l’assiette avec la version trifluvienne du colcannon cher au coeur et à l’estomac des Irlandais; ici pomme de terre, choux et lardons de sanglier. Pour égayer le tout, quelques baguettes de salsifis et de courgettes grillés, de mini croustilles de topinambour et un peu de chimichurri.
Et enfin, une divine assiette de short ribs, généreuse portion de haut de côte de boeuf déposée sur une polenta crémeuse, poêlée d’endives, tomates confites et oignon cipollini. La glace de viande à la tomate fumée ajoutait une note particulièrement intéressante et qui justifiait que l’on se rue voracement sur l’assiette.
Il y avait un petit dessert dont je n’ai gardé qu’un vague souvenir, ce qui m’arrive souvent quand le reste du repas est fantastique…
Interrogé sur l’origine des produits utilisés dans ces assiettes, le chef a précisé: «courge Butternut du marché de Nicolet, miel de la miellerie Miel des 3-Rivières, lardons de sanglier de la Ferme le rieur Sanglier à Yamachiche et boeuf wagyu du Ranch Kreepes à EastBroughton en Beauce. » Tous ces détails ont quelque chose de rassurant, « Made in chez nous» étant pour ce qui se trouve dans nos assiettes toujours mieux que « Made à l’autre bout du monde ».
José Pierre Durand, chef et propriétaire de ce Poivre noir, propose une cuisine savoureuse et intrigante. Intrigante et impressionnante parce que l’on est quand même loin des grands centres d’approvisionnement. Briller à New York, à Toronto ou à Montréal est une chose. Être tout aussi lumineux à Trois-Rivières ou au Bic est une tout autre histoire. On ne peut qu’être impressionné et admiratif lorsque l’on tombe sur des tables comme ce Poivre noir.
Poivre noir
★★★★ $$$
1300, rue du Fleuve, Trois-Rivières
819 378-5772
Ouvert à midi du mercredi au vendredi et en soirée, du mardi au samedi. Un bonheur ne venant jamais seul, ce superbe repas de midi avec café et maints verres d’eau a coûté 63,50$ pour deux. La maison dispose d’une carte des vins plantureuse avec de très belles bouteilles dans toutes les catégories. Quelques bouteilles de bulles à prix raisonnables la rendent encore plus attrayante. Félicitations à Karl Villeneuve, sommelier de la maison pour son travail intelligent.
Post-scriptum qui n’a rien à voir, mais quand même un peu, à bien y réfléchir : en repartant, avant de braver la tempête et la poudrerie de la 40, j’ai trébuché à la Chocolaterie Samson. Nancy Samson possède toutes les qualités d’une excellente chocolatière : gourmande, curieuse, inventive et généreuse. Ambassadrice de la prestigieuse maison Cacao Barry, elle propose dans sa jolie boutique une superbe panoplie de tentations toutes plus irrésistibles les unes que les autres. Je vous mets au défi d’entrer ici et de ne pas pécher.
Chocolaterie Samson
1066, rue Champflour, Trois-Rivières
819 379-2644