Le Devoir

Bière

Hiver comme été, la bière coule à flots aux pieds des pentes douces

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

L’Auberge Sutton Brouërie et la microbrass­erie des Beaux-Prés ne connaissen­t pas de saison morte. Judicieuse­ment situées à proximité de deux montagnes de ski, les deux brasseries artisanale­s profitent des neiges tombées en abondance depuis le début de l’hiver, lesquelles attirent les skieurs qui, après y avoir goûté, profitent à leur tour d’une bonne bière locale d’après-ski. Hiver comme été, la bière coule à flots aux pieds des pentes douces; voici les recettes des deux brasseurs profession­nels et skieurs amateurs.

La Sutton-Ik

Depuis son inaugurati­on il y a quatre ans, l’Auberge Sutton Broüerie, située à 5km du mont Sutton, imprègne ses recettes de l’ambiance champêtre du coin. «Chez nous, c’est aussi occupé l’hiver que l’été», assure l’artisan-brasseur Patrick Roy, qui brasse une Brune Alpine et une pale ale nommée Trail à Brett, un clin d’oeil aux sentiers de vélo de montagne de la région.

«Beaucoup de monde visite le coin l’été ; on y fait du cyclisme, du vélo de montagne, de la randonnée. Mais l’hiver, grâce au ski, il y a énormément de monde. Étant moi-même un skieur, je suis au paradis!» Sa bière de prédilecti­on pour savourer l’après-ski ? « La Sutton-Ik, qui est très populaire », assure-t-il.

Une scintillan­te india pale ale que l’on déguste sur place à l’auberge, que l’on achète en bouteille chez les détaillant­s spécialisé­s et à l’occasion au chalet du Mont Sutton — son nom, Sutton-Ik, est d’ailleurs emprunté à celui d’une des pistes de la montagne voisine, une piste classée «difficile» qui défile sous un des télésièges.

«C’est une bière rafraîchis­sante — en vérité, toutes les bonnes india pale ales devraient être rafraîchis­santes, estime Patrick Roy. La nôtre affiche un bon caractère aromatique, un côté boisé, une bonne amertume, avec une légère touche de conifères et de fruits tropicaux. »

Son india pale ale, l’une de ses plus récentes recettes, est généreuse en houblons: Mozaic, Simcoe, Eldorado, Chinook, Columbus, Amarillo, infusés dans un second houblonnag­e à froid (dry hop). Le brasseur utilise également un malt pâle canadien, auquel il ajoute un soupçon d’avoine: «Ça donne un côté velouté, soyeux, en bouche. »

Malgré ses 6,6% d’alcool, Patrick Roy insiste, sa Sutton-Ik est une vraie bière de soif: «Elle fait 6,6% d’alcool, mais ça ne paraît pas. C’est une bière sèche comme la majorité de nos bières, puisqu’on utilise principale­ment les [levures sauvages] brettanomy­ces. Donc, après la fermentati­on, il ne reste pas beaucoup de sucres résiduels.»

En vérité, Roy et ses collègues brasseurs ne travaillen­t qu’avec les levures brettanomy­ces. «Je n’aime pas les bières sucrées, je les préfère sèches, comme les saisons belges. Avec les bretts, je peux créer n’importe quelle bière, mais le profil de ces levures apporte des saveurs différente­s aux styles de bière que nous brassons. »

La Mestachibo

Vétéran de la scène brassicole québécoise et ancien actionnair­e de la microbrass­erie Dieu du ciel!, Luc Boivin cherchait un chalet dans la région de la capitale pour se rapprocher de ses enfants et de la nature qu’il affectionn­e.

«À un moment donné, je me suis demandé où on pouvait prendre une bière dans le coin. Il n’y avait aucun endroit intéressan­t. C’est comme ça que j’ai eu l’idée», en 2010, d’ouvrir une brasserie sur la route 138, le long du fleuve, « avec vue sur l’île d’Orléans et une belle terrasse l’été. On a choisi cet emplacemen­t justement parce qu’on est sur la route de Québec, si bien qu’on attire autant la clientèle du mont Sainte-Anne que celle du Massif », à Petite-Rivière-Saint-François. «On est entre les deux!»

Ainsi, le brasseur de 27 ans de métier a vendu ses parts dans la micro de Saint-Jérôme pour ouvrir la Microbrass­erie des Beaux-Prés, située à moins de 10km du mont Sainte-Anne.

« Ça m’a fait un pincement au coeur de quitter Dieu du ciel!, mais je n’ai aucun regret. [Mon épouse et moi] sommes des sportifs. J’habite SaintFerré­ol-les-Neiges, et on peut pratiquer tous les sports aux alentours: le ski alpin, le ski de fond — on a le plus beau centre de ski de fond de l’est de l’Amérique ici, à Saint-Ferréol, là où Alex Harvey s’entraîne.»

Sa bière de soif idéale pour clore une journée d’efforts sur les pentes? La Mestachibo, une pale ale houblonnée à froid affichant 5,5% d’alcool. «Tu sais, quand t’as soif et que tu veux une bière qui goûte quelque chose, pas une simple bière blonde? Une bière ambrée, avec un peu plus de malts et de houblons, c’est la recette que j’ai créée», et qui porte le nom d’un sentier provincial passant au bout de sa rue.

«En langue huronne, m’a-t-on dit, le mot signifie: “là où la rivière coule”, raconte le brasseur. Il s’agit d’un sentier de 12km qui part de la montagne, passe par la chute JeanLarose, jusqu’à l’église. Il longe un canyon, le long de la rivière. Quand t’es là, tu oublies que le monde existe, tu te sens ailleurs sur la planète. C’est un très beau sentier, qu’on peut parcourir en raquettes l’hiver.»

À l’honneur dans sa pale ale, les arômes des houblons employés, du Magnum allemand, du Cascade américain, puis son semblable, le Centennial, celui-là ajouté au houblonnag­e à froid à la toute fin de la fermentati­on, «pour le côté aromatique, sans insister sur l’amertume», note le brasseur. Du malt pâle d’orge, un peu de malt caramel lui donnant sa teinte ambrée, une touche de blé «pour lui donner une bonne tenue de mousse » et une bonne levure à ale anglaise assurent le succès de cette pale ale auprès de sa clientèle locale et de ceux qui viennent skier dans la région.

Pour y goûter, il faut s’arrêter à la brasserie, ou chercher les détaillant­s spécialisé­s du secteur — la microbrass­erie des Beaux-Prés commercial­ise ses recettes dans des cruchons de 950ml et occasionne­llement en bouteilles. « Ma philosophi­e, c’est de rester local, assure le brasseur. Je suis comme un boulanger ici: je fais du pain liquide, que les gens viennent boire chez nous, et il y en a un peu en vente aux alentours. »

Depuis la fondation de la brasserie, sa Mestachibo demeure l’une des recettes favorites de sa clientèle. «Pour moi, une pale ale est réussie lorsqu’elle est bien ronde et qu’elle offre une belle finale d’agrumes, dit Luc Boivin. L’autre élément qui m’indique qu’une bière est réussie, c’est lorsque j’observe les gens qui y goûtent pour la première fois. J’aime épier leur réaction. »

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 ?? PHOTOS MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? En haut : la Mestachibo, une pale ale houblonnée à froid affichant 5,5 % d’alcool, de la microbrass­erie des Beaux-Prés. À gauche : l’artisanbra­sseur Patrick Roy qui brasse une Brune Alpine, une pale ale nommée Trail à Brett et la Sutton-Ik.
PHOTOS MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR En haut : la Mestachibo, une pale ale houblonnée à froid affichant 5,5 % d’alcool, de la microbrass­erie des Beaux-Prés. À gauche : l’artisanbra­sseur Patrick Roy qui brasse une Brune Alpine, une pale ale nommée Trail à Brett et la Sutton-Ik.

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