Un mort peut en cacher un autre
Une enquête fouillée dans le milieu hautement compétitif des universités américaines
La Californie est un monde à part, on le sait: le style de vie, la bouffe, le climat, tout concourt à en faire une entité particulière sur le continent américain. Mais quand il s’agit de camoufler un meurtre ou de faire accuser un faux coupable, alors là, Californie ou non, tous les moyens sont bons. Et cette histoire écrite à quatre mains est d’abord celle d’un rare honnête homme qui a le courage de remonter le courant pour que justice soit faite.
Une denrée plutôt rare
Clay Edison travaille comme enquêteur au Bureau du coroner du comté d’Alameda, qui englobe la ville d’Oakland en Californie. Il s’apprête à conclure à une mort naturelle après l’examen de la maison où un ancien professeur de Berkeley a été retrouvé mort… lorsque la fille du défunt, Tatiana, éveille le doute dans son esprit. Elle lui parle de deux autres morts reliés plus ou moins directement aux travaux du défunt, le professeur Walter Rennert. Il n’en fallait pas plus pour le lancer sur la piste.
D’autant plus qu’Edison est loin d’être indifférent aux yeux verts de ladite Tatiana. Il se met donc à fouiller créativement dans les archives du comté et découvre une sorte de panier de crabes : une étude rapidement abandonnée menée à l’université au début du millénaire par une équipe du professeur Rennert, un meurtre sordide, un décès suspect et, surtout, une enquête bâclée. Tout pour y regarder de plus près…
Le narrateur du récit endosse le personnage de Clay Edison, ce qui nous permet de découvrir une sorte d’Américain lambda-classe moyennefin XXe siècle qui serait passé par l’université en route vers une carrière de joueur de basket professionnel jusqu’à ce que, un soir de championnat national, un ménisque tordu le force à changer de voie. Edison est un honnête homme, lucide, intelligent et rapide à saisir les enjeux, ce qui est une denrée plutôt rare parmi les héros que nous proposent habituellement les auteurs de polar américains. Il devra se montrer acharné avant de réussir à déterrer un par un les indices qui l’amèneront à faire la lumière sur une série d’événements découlant tous de la fameuse étude — l’influence des jeux vidéo sur la violence des jeunes — qui avait mené au meurtre d’une assistante de recherche par un des participants.
Avec lui, on découvrira surtout à quel point, sous la pression, les enquêteurs de l’époque sont vraiment passés très vite aux conclusions en accusant du crime un jeune Noir un peu «absent»: Julian Triplett. Même en se mettant à dos la moitié du Bureau, sans compter Tatiana et une foule d’autres intervenants, Clay Edison parviendra à faire triompher la vérité.
L’histoire est passionnante, avouonsle, une des meilleures que les Kellerman, père et fils, aient jamais concoctées ensemble. L’écriture fluide, la connaissance profonde du contexte et le personnage d’un cool exemplaire de Clay Edison, tout cela prend l’allure d’une sorte de documentaire californien sur la persévérance. Rare pour un polar, quand même.