Le Devoir

Québec se pense à l’abri de poursuites d’aspirants immigrants

- ISABELLE PORTER À QUÉBEC

En 2012, le gouverneme­nt conservate­ur a fait exactement la même chose que » nous faisons SIMON JOLIN-BARRETTE

Le ministre de l’Immigratio­n Simon Jolin-Barrette pense que le gouverneme­nt est à l’abri d’éventuelle­s poursuites découlant de l’annulation projetée des 18 000 dossiers en attente à son ministère.

Le ministre est confiant pour deux raisons: la victoire en cour d’Ottawa dans une cause similaire et un article prévu spécifique­ment pour cela dans le projet de loi 9.

« En 2012, le gouverneme­nt conservate­ur a fait exactement la même chose que nous faisons et il y a une décision de la Cour fédérale qui s’est rendue aux arguments du fédéral », a signalé M. Jolin-Barrette en entrevue au Devoir lundi.

À l’époque, le gouverneme­nt Harper avait été traîné devant les tribunaux après avoir annoncé l’éliminatio­n de

280 000 dossiers en attente. Un groupe d’avocats avait porté la cause devant la Cour fédérale au nom de 1500 aspirants immigrants, mais la Cour avait estimé essentiell­ement que le gouverneme­nt avait le pouvoir de faire une telle chose.

À Québec, le ministre Jolin-Barrette a aussi inclus une protection dans le projet de loi 9. L’article 20 édicte « qu’aucuns dommages-intérêts ni aucune indemnité [relativeme­nt à] une telle demande ne peuvent être réclamés au gouverneme­nt ».

Rappelons que le ministre caquiste a dévoilé jeudi sa première pièce législativ­e en immigratio­n, qui prévoit notamment l’annulation des 18 139 dossiers en attente au ministère. Le gouverneme­nt souhaite ainsi mettre un terme à la règle du «premier arrivé, premier servi » et recruter plus rapidement des immigrants en fonction des besoins du marché du travail alors qu’une importante pénurie de maind’oeuvre sévit dans plusieurs secteurs.

De ces 18 139 dossiers, 3700 ont été déposés par des gens qui étaient déjà au Québec, a confirmé le cabinet du ministre mardi. Ces derniers sont particuliè­rement mécontents qu’on jette leur dossier à la poubelle et ils seraient nombreux à envisager des recours, selon des avocats consultés par Le Devoir.

Mardi, le ministre Jolin-Barrette a multiplié les entrevues pour calmer le jeu. Les travailleu­rs temporaire­s qui sont au Québec peuvent toujours renouveler leur permis de travail auprès du gouverneme­nt fédéral, a-t-il expliqué. Pour ceux parmi les 3700 qui « travaillen­t au Québec depuis plus de douze mois et parlent français», il y a une «voie rapide », le programme Expérience québécoise, a-t-il souligné. «Certains se sont peut-être inscrits dans le mauvais programme », laisse-t-il entendre.

Quant aux travailleu­rs temporaire­s qui avaient déposé une demande d’immigratio­n au Québec, ils sont invités à présenter une nouvelle demande — gratuite — dans le nouveau système de déclaratio­n d’intérêt, et ce, même si le projet de loi n’a pas encore été adopté. Car il faudra en effet attendre plusieurs mois avant que le projet de loi soit étudié, débattu et adopté par le Parlement, exercice au cours duquel il pourrait faire l’objet d’importante­s modificati­ons.

En attendant le test des valeurs

Reste aussi à savoir dans quelles circonstan­ces le gouverneme­nt souhaite retirer la résidence permanente (RP) à des immigrants qui ne respectent pas ses exigences. On sait par exemple que le gouverneme­nt de la Coalition avenir Québec (CAQ) veut obtenir du fédéral le pouvoir de la retirer aux immigrants qui ne seraient pas parvenus à maîtriser le français ou auraient échoué à leur test de valeurs.

« Je pourrais imposer des conditions en fonction de l’évaluation des connaissan­ces au test des valeurs québécoise­s, au niveau de la connaissan­ce du français », a mentionné M. JolinBarre­tte mardi.

Le ministre n’est toutefois pas en mesure de dire quand ou jusqu’à combien de temps après avoir été reçus, les immigrants pourraient perdre leur résidence permanente. « C’est à déterminer », a-t-il dit.

Par contre, le gouverneme­nt ne pourrait pas retirer la résidence permanente à un immigrant simplement parce qu’il a quitté la région du travail pour lequel il avait été sélectionn­é au départ, indique le ministre, qui souhaite toutefois favoriser la régionalis­ation en amont. « Je ne peux pas obliger quelqu’un à rester au Saguenay–LacSaint-Jean, par exemple. Mais je peux le sélectionn­er plus rapidement s’il a une offre d’emploi en région. »

Je ne peux pas obliger quelqu’un à rester au Saguenay– Lac-SaintJean, par exemple. Mais je peux le sélectionn­er plus rapidement s’il a une offre d’emploi en » région.

SIMON JOLIN-BARRETTE

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le ministre Simon Jolin-Barrette a tenté d’éteindre les feux, lundi, en multiplian­t les entrevues avec les journalist­es.

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