Le Devoir

Les états d’âme de QS

- MICHEL DAVID

Les bonnes nouvelles sont plutôt rares pour le PQ, qui ne sait manifestem­ent pas si et comment il pourra assurer sa survie. Dans l’état où il se trouve présenteme­nt, il ne peut pas constituer une solution de remplaceme­nt sérieuse à la CAQ, qui monopolise le terrain nationalis­te. Dans un premier temps, il doit au moins redevenir le premier choix des souveraini­stes. À cet égard, les états d’âme de Québec solidaire sur le port de signes religieux sont encouragea­nts.

Le gouverneme­nt Marois a cru à tort que la laïcité pourrait prendre le relais de la question linguistiq­ue comme moteur de la souveraine­té. Il n’en demeure pas moins que la charte de la laïcité a provoqué le débat le plus intense que le Québec ait connu depuis l’adoption de la loi 101, il y a plus de quarante ans.

Il n’existe toujours pas de consensus sur l’étendue de l’interdicti­on qu’il convient d’imposer au port de signes religieux. Au départ, on voulait les bannir de toutes les administra­tions publiques, y compris les municipali­tés, les université­s, les cégeps et les hôpitaux. L’irréalisme d’une telle ambition est vite apparu, mais la conviction que la laïcité de l’État doit s’incarner au moins en partie dans ses employés est restée.

La très grande majorité des Québécois estiment que les signes religieux devraient être interdits à tout le moins aux juges, aux policiers, aux gardiens de prison et aux procureurs de la Couronne, comme le recommanda­it la commission Bouchard-Taylor. Même dans le cas des enseignant­s, la question n’est plus tellement de savoir s’ils devraient être exemptés, mais plutôt s’ils devraient bénéficier d’une clause dite « grand-père » qui préservera­it les droits acquis.

Compte tenu de sa clientèle anglophone et allophone, sans laquelle il aurait presque disparu le 1er octobre dernier, personne n’a dû être surpris de voir le PLQ réitérer son opposition à toute interdicti­on. Si l’électorat de QS est très majoritair­ement francophon­e, il ne faut cependant pas sous-estimer l’appui dont le parti bénéficie chez les non-francophon­es, dont certains militent très activement en faveur du libre-choix.

Consciente de l’évolution de la société québécoise, l’aile parlementa­ire de QS s’était ralliée aux recommanda­tions du rapport Bouchard-Taylor, dans lesquelles Amir Khadir disait voir un « équilibre » acceptable. À l’époque, le caucus solidaire ne comptait cependant que deux députés, alors qu’ils sont maintenant dix. Au moins un d’entre eux, Vincent Marissal, a déclaré que l’interdicti­on le mettait « mal à l’aise », y compris dans le cas des agents de l’État qui détiennent un « pouvoir de coercition ».

La position de M. Marissal est peut-être en porte à faux avec l’opinion publique, mais il peut légitimeme­nt prétendre s’appuyer sur le programme officiel du parti, qui se lit ainsi : « C’est l’État qui est laïque, pas les individus. Québec solidaire accepte le port de signes religieux par les usagers et les usagères des services offerts par l’État. En ce qui concerne les agents et agentes de l’État, ces derniers peuvent en porter pourvu qu’ils ne servent pas d’instrument de prosélytis­me et que le fait de les porter ne constitue pas en soi une rupture avec leur devoir de réserve. Le port de signes religieux peut également être restreint s’ils entravent l’exercice de la fonction ou contrevien­nent à des normes de sécurité. »

« Il faut voir comment on interprète l’applicatio­n de ce programme », a plaidé Manon Massé à l’issue de la journée de réflexion sur la journée que QS a tenue en fin de semaine dernière à Trois-Rivières. L’interpréta­tion qu’en a faite l’aile parlementa­ire au cours des dernières avait cependant toutes les apparences d’une déformatio­n. Lors du conseil national de mars prochain, « on ne va pas absolument rien changer à notre programme», mais plutôt l’«actualiser», a expliqué Mme Massé. Cela vous paraît clair ? À moi non plus.

Ce flou a été soigneusem­ent entretenu au cours de la dernière campagne électorale. La plateforme de QS était totalement muette sur le sujet et ses porte-parole ne l’ont jamais abordé. Quand le gouverneme­nt Legault déposera son projet de loi, il ne sera cependant plus possible de ménager la chèvre et le chou.

Il n’est pas question de se laisser influencer par les sondages, a lancé Mme Massé. À la bonne heure, mais le PQ ne demande qu’à pouvoir dire que QS est prêt à sacrifier l’identité québécoise à son credo multicultu­raliste. Cela risque de faire très mauvais effet dans les régions où QS a réussi une étonnante percée le 1er octobre.

Chez les partisans d’une refondatio­n du PQ qui permettrai­t de relancer le mouvement souveraini­ste sur de nouvelles bases, on ne se fait aucune illusion sur la possibilit­é d’une fusion avec QS. On préférerai­t d’ailleurs le vider de ses membres, comme René Lévesque l’avait fait jadis avec le RIN. Si QS veut se disputer les non-francophon­es avec le PLQ, grand bien lui fasse !

Si l’électorat de QS est très majoritair­ement francophon­e, il ne faut cependant pas sousestime­r l’appui dont le parti bénéficie chez les non-francophon­es, dont certains militent très activement en faveur du libre-choix

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