Le Devoir

Un peu plus d’humanité

- Le 11 février 2019

Le Québec est et doit demeurer une terre d’accueil. Cela n’a pas toujours été sans débats difficiles, notamment concernant le français comme langue d’intégratio­n des nouveaux arrivants. Mais la société québécoise a su développer les consensus nécessaire­s pour réussir à confirmer dans l’espace public la légitimité de ses aspiration­s. Notre société, comme beaucoup d’autres, continue de s’interroger, avec raison d’ailleurs, sur sa capacité réelle d’ouverture à l’immigratio­n ; sur les ressources requises en matière d’intégratio­n des immigrants ; sur leurs besoins et les meilleurs moyens pour répondre à leurs aspiration­s. Elle peut et doit également pouvoir tout aussi légitimeme­nt s’interroger sur les besoins et les attentes de la société d’accueil à leur égard.

La volonté du gouverneme­nt actuel du Québec de traduire dans une politique et un projet de loi sa propre vision de ces enjeux, et les réponses qu’il souhaite y apporter, est non seulement normale, mais aussi devenue nécessaire. Mais le gouverneme­nt doit se rappeler que ce débat demeure complexe, délicat et difficile ; qu’il soulève beaucoup d’émotions et de préjugés ; que les contradict­eurs de sa politique seront nombreux ; nombreux également ceux qui voudront profiter de ce débat pour étaler leurs préjugés à l’égard du Québec.

Malheureus­ement, la récente décision du ministre de l’Immigratio­n de déclasser la totalité des demandes déjà reçues à son ministère risque de leur donner inutilemen­t des arguments, détournant le débat nécessaire sur la politique annoncée, et risquant de déstabilis­er toute la démarche du gouverneme­nt. Compte tenu des enjeux, difficile d’imaginer que les fonctionna­ires de son ministère ne puissent aider le ministre à trouver à ce défi administra­tif une réponse plus humaine, plus satisfaisa­nte, quitte à étaler dans le temps les réformes souhaitées.

Aussi convaincu soit-il de la justesse de sa vision pour l’avenir, le gouverneme­nt ne peut faire table rase des contrainte­s héritées du passé. D’autant plus qu’au-delà des problémati­ques administra­tives, il s’agit ici de la vie d’hommes, de femmes et d’enfants qui, de bonne foi, ont suivi les étapes que nous leur avions fixées et qui ont toutes les raisons d’espérer une autre attitude du Québec à leur égard. Les Québécois ont la maturité démocratiq­ue requise pour faire avec ouverture et sérénité le débat relatif aux enjeux de l’immigratio­n chez nous ; mais ils seraient sûrement plus fiers et plus sereins de faire ce débat en sachant que leur gouverneme­nt a su, en leur nom, faire preuve de toute l’humanité attendue dans les circonstan­ces. Robert Perreault, ex-ministre de l’Immigratio­n au Québec

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